La nouvelle FARC face à de nombreux défis

Colombie • La constitution du parti politique des FARC le 30 août dernier ne constitue que l’un des fondements d’un processus de paix
qui va encore au devant de bien des défis.

Les FARC ne sont plus les FARC. L’armée populaire des Forces armées révolutionnaires de Colombie s’est transformée en parti, la Force alternative révolutionnaire en commun. Le changement a été approuvé le 31 août dernier, après 5 jours de congrès réunissant à Bogota plus de 1’200 participants. L’événement constitue l’un des fondements d’un processus de paix qui nécessitera encore d’autres forces pour être construit.

Le 24 novembre 2016 a été signé un accord de paix entre les FARC et le gouvernement colombien de Jose Manuel Santos. Le processus peut paraître historique, puisqu’il prévoit la conclusion d’un conflit existant officiellement depuis la fondation des FARC en 1964 – et avec une répression de l’opposition progressiste ininterrompue depuis l’assassinat en 1948 du candidat à la présidentielle Jorge Eliecer Gaitan. L’événement ne rappelle cependant pas que de bons souvenirs. Suite à un cessez-le-feu en 1984, l’Union Patriotica, parti politique réunissant diverses forces dont les FARC et le Parti communiste, avait en effet vu ses représentants progressivement assassinés, jusqu’en 1994.

300 pages à mettre en œuvre

Le processus de paix ne se résume donc pas à l’accord signé entre la guérilla et le gouvernement. Premièrement, l’essentiel de ses 300 pages nécessite une mise en œuvre par le parlement, où une partie de la majorité de droite s’oppose à leur concrétisation. Deuxièmement, il faut tenir compte des conflits sociaux et économiques autour de la propriété et de l’exploitation du sol, qui ont structuré l’histoire colombienne. Les propriétaires terriens ont toujours résisté aux réformes agraires, et vont assurément mettre tout en œuvre contre celle prévue par les accords. Troisièmement, le conflit n’opposait pas seulement la guérilla à l’armée. Les paramilitaires sont également responsables de nombreuses exactions à l’égard des rebelles, mais aussi de la société civile. Leur poids résulte du financement obtenu de propriétaires fonciers ou de narcotrafiquants, et de leurs liens avec l’armée, qui ont, suivant les époques, encouragé la constitution de milices privées ou permis leur action avec une large impunité. Les FARC comptent donc leurs morts depuis les accords de paix, qui se chiffrent selon les sources en dizaines ou en centaines.

La transformation en parti politique entame un moment de fragilité pour les FARC et pour les militants associatifs ou syndicaux. En effet, elle a été précédée d’une reddition des armes de la guérilla, tandis que les groupes armés de type paramilitaire restent pour l’essentiel en activité. Il s’y ajoute un enjeu financier: les membres des FARC et leurs proches dépendent désormais du financement apporté par l’Etat, soit environ 240 francs par mois durant un an pour chaque guérillero démobilisé. Une grande partie d’entre eux vivent dans des camps sommaires, où l’Etat peine à apporter les infrastructures promises. Ces enjeux s’ajoutent aux échéances électorales: le parlement sera désigné en mars 2018, et le président en juin.

La paix reste donc un édifice à bâtir, dont l’accord est le plan, et la constitution du nouveau parti, un fondement. Le chemin vers la paix restera long et parsemé d’embûches. Le nouveau parti devra affronter plusieurs tâches: l’une est de montrer à sa base électorale sa capacité à apporter les progrès attendus: réforme agraire, développement du système d’éducation et de santé, sécurité des militants et des victimes du conflit. L’autre est de favoriser une coalition large, permettant une majorité parlementaire en faveur des accords de paix. Le parti doit à la fois montrer sa continuité face aux milieux, largement paysans, qu’elle a défendus, et sa capacité à s’intégrer au système électoral.

Un congrès à l’image des enjeux
Le congrès a été à l’image de ces enjeux. Côté FARC, il a été la première réunion de cette envergure, au centre de Bogota, incluant une centaine de journalistes et d’invités internationaux. De son côté, le gouvernement a assuré une large protection policière, montrant à la fois le souci d’assurer la sécurité de cet événement, et la crainte toujours présente d’attaques par l’extrême droite ou les paramilitaires. Le congrès a donné les premiers traits du parti à développer, et le coup d’envoi de la campagne électorale. Il garde l’acronyme FARC, avec un nouveau nom, et surtout avec un nouveau logo, troquant les fusils pour une rose. La référence au fondateur des FARC demeure, mais celle au marxisme-léninisme disparaît, après un débat enflammé de l’assemblée. La conclusion du congrès et la fête qui a réuni 25’000 personnes sur l’emblématique place Bolivar représentent, de l’avis des médias, une opération de communication réussie, pour un acteur politique qui sera incontournable. La FARC a aussi affirmé sa volonté de s’associer à d’autres partis et mouvements, pour une large alliance électorale.

D’un autre côté, le parti devra aussi rassurer sa base, et se donner les moyens de défendre son programme politique. La volonté de lancer non seulement un parti, mais aussi un «mouvement des mouvements», montre la volonté de ne pas se limiter à une démarche électorale. L’un des principaux projets est celui de la coopérative Ecomun, que les FARC ont lancé en juillet dernier. L’idée est d’y centraliser les rentes des ex-guérilleros prêts à s’associer, pour développer des projets économiques en commun.