Au théâtre de Vidy, quand nécessité fait art

Théâtre • Un chapiteau vétuste, une salle de spectacle à rénover et voici que surgit «au bord de l’eau», un origami en bois, le Pavillon.

La nouvelle salle, forte de 250 places assises, accueillera des spectacles, des répétitions et des expositions.

Il n’est pas tout à fait au bord de l’eau, le nouveau Pavillon de Vidy, puisqu’il se trouve derrière le bâtiment réalisé par Max Bill pour l’Expo 64, là où on avait posé un chapiteau devenu vétuste entre-temps; mais il n’en fait pas moins partie de ce «théâtre au bord de l’eau» que Charles Apothéloz avait sauvé de la destruction, l’Expo terminée. Inauguré en ouverture de saison, le Pavillon a attiré officiels, invités et spectateurs pour la coupure du ruban, cérémonie festive où les orateurs en quelques mots racontaient l’aventure de ce défi architectural: un pavillon modulaire réalisé en un minimum de temps, qui allie art et science, se veut économique, écologique, durable et démontable. Par ailleurs un livre détaille, de façon – avouons-le – assez technique dans certains chapitres, la démarche, les enjeux, la réalisation de ce bâtiment innovant; des photos, fort belles, illustrent les différentes phases de la construction ainsi que les projets que des étudiants de l’EPFL avaient élaboré dans un cours donné par la professeur Yves Weinand qui a conçu cet ouvrage.

Un origami tout en bois
Cette salle de 250 places assises, sur gradin rétractable, est destinée aux spectacles, aux répétitions et à des expositions et permettra à Vidy de continuer sa programmation pendant la rénovation de la salle principale du théâtre, la salle Charles Apothéloz. Il a suffi d’une dizaine de jours à six ouvriers aidés d’une grue pour monter cette sorte d’origami tout en bois, outre bien sûr les huit mois pour préparer le site, fabriquer les panneaux et aménager les lieux en un théâtre pour l’heure inédit en son genre. Le coût: 2,8 millions de francs.

Son auteur est le professeur belge Yves Weinand, tout à la fois architecte et ingénieur, qui dirige le laboratoire IBOIS de l’EPFL dont les recherches ont permis la réalisation de ce bâtiment; il suscite un grand intérêt dans les milieux et entreprises concernés et inspirera certainement d’autres constructions aux structures ainsi entièrement préfabriquées, utilisant ce matériau ancestral qu’est le bois. Les murs et les onze arches du toit du Pavillon sont assemblés sans élément métallique avec des connexions bois/bois par emboîtement, selon un savoir-faire traditionnel aujourd’hui assisté par l’informatique et autres nouvelles technologies. A noter que Max Bill, pour le pavillon «Eduquer et créér» de l’Expo 64, avait lui aussi inventé une structure modulaire rapide à monter et démonter, mais elle était métallique. Cette nouvelle salle s’inscrit donc dans l’histoire du Théâtre de Vidy. Et celle de cet autre théâtre en bois, celui du Jorat, à Mézières, dit la Grange sublime!

Art et science
«Il serait intéressant de discuter du lien entre fonction et forme qui, me semble-t-il, était au temps de Max Bill beaucoup plus fort ou plus évident», explique Yves Weinand dans le livre cité. «C’est quelque chose qui me fascine. Il me semble que l’être humain reconnaît de façon implicite la beauté lorsqu’une cohésion existe entre forme et structure. Mais on ne peut pas l’expliquer sous une forme rationnelle.» Du coup, la corrélation entre art et science fut évoquée, en particulier dans le discours de Thomas David, directeur du Collège des Humanités à l’EPFL. Le Pavillon est à cet égard emblématique: la science s’est mise au service de l’art, mais l’art est aussi au service de la science puisque le monde du théâtre, à partir d’un rêve devenu création, a suscité un projet inédit, un prototype expérimental, une nouvelle façon de planifier et de construire qui, selon Vincent Baudriller, le directeur du Théâtre de Vidy, «est une belle métaphore de ce qu’est la création artistique défendue au fil des saisons.»

Le premier spectacle qui sera donné au Pavillon est La Sonnambula d’après l’opéra de Vincenzo Bellini, une création de David Marton avec l’Ensemble de la Kammerspiele de Münich les 3 et 4 octobre.

Le Pavillon en bois du Théâtre de Vidy, sous la direction d’Yves Weinand, aux Presses polytechniques et universitaires romandes.