La monnaie «Léman» à bon port

Alternatives • Créée en 2015, la monnaie alternative «Léman» est aujourd’hui utilisée par 5 à 6’000 personnes et acceptée par quelque 450 entreprises. Retour sur les origines du projet.

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Lors du festival transfrontalier Alternatiba à Genève en juillet 2015, les membres d’un collectif franco genevois ont présenté fièrement de belles coupures de 1, 5, 10 et 20 lémans. C’est ainsi qu’ils ont appelé la monnaie locale qu’ils viennent de créer et qui devra avoir cours sur tout le bassin lémanique, des deux côtés de la frontière. Aujourd’hui, deux ans plus tard, près de 150’000 francs circulent sous forme de lémans, entre 5’000 à 6’000 utilisateurs. Le léman est aussi accepté par quelque 450 entreprises de la région, certaines d’entre elles versant même une partie des salaires en cette devise. La monnaie physique n’était toutefois qu’une première étape selon ses promoteurs. Ainsi, depuis le 27 octobre dernier, un léman électronique est disponible et une coopérative de crédit solidaire pourrait voir le jour en janvier 2018. Retour sur les origines du projet.

Joindre ses efforts de part et d’autre de la frontière
Pendant les quatre ans qui ont précédé le lancement du léman, une cinquantaine de personnes d’horizons différents, des militants versés dans des projets SEL (système d’échange local), des chercheurs et des membres de la Chambre genevoise d’économie sociale et solidaire se sont rencontrés régulièrement. Constatant que l’économie de leur région se fragilise et que les petites et moyennes entreprises ont toutes les difficultés du monde à obtenir des crédits, ils cherchent à y remédier. Ils veulent empêcher l’évasion des bénéfices issus de la production locale vers d’autres contrées, où ils alimentent des programmes au rendement élevé mais irrespectueux de l’homme et de son environnement. Si, à l’intérieur d’un périmètre délimité, les paiements sont effectués en monnaie locale, l’économie régionale en profite, les liens entre les participants se renforcent et la réflexion sur les conditions de production et l’environnement est stimulée.

«Sasfera», ça s’est fait
Le groupe informel du début se structure en deux associations: Sasfera-France à Annemasse et Sasfera-Suisse à Genève se coordonnent pour instaurer la monnaie locale en popularisant le projet, en sollicitant l’appui des communes et en cherchant des soutiens politiques, financiers et techniques. Le projet, bien accueilli par la Mairie d’Annemasse et par le Conseil de la Région Rhône-Alpes, a reçu l’appui de la Ville de Genève et de la Ville de Carouge. L’Université de Genève s’est dit très intéressée à le suivre.

Leur but atteint, les «Sasfera» se sont formellement dissoutes pour donner naissance à l’Association Monnaie Léman, qui porte dorénavant le projet. La nouvelle structure reste bicéphale avec les collectifs Monnaie Léman France et Monnaie Léman Suisse, au comité de chaque collectif siégeant toujours un représentant du collectif d’en face. Sont acceptés comme membres des personnes tant physiques que morales.

Une monnaie complémentaire, convertible et parfaitement légale

Contrairement à d’autres types de monnaie locale, le léman n’est pas destiné à remplacer l’argent lors des échanges marchands, mais coexiste avec la monnaie officielle. C’est le franc suisse qui a été retenu comme valeur de référence. L’équivalent des lémans en circulation est déposé auprès de la Banque Alternative Suisse (BAS) à Bâle, qui parraine la monnaie complémentaire et la garantit. Un léman vaut un franc suisse ou un euro. La monnaie est conforme à la législation monétaire du pays où elle a cours. En France, c’est la Loi sur l’économie sociale et solidaire du 31 juillet 2014 qui règle le cadre des monnaies locales complémentaires, dont il existe une soixantaine.

En Suisse, l’article 99 de la Constitution fédérale précise que l’émission de la monnaie relève de la Confédération. La mise en circulation de lémans et les transactions en ligne libellées en cette monnaie ne sont pas considérées comme une émission monétaire, puisqu’elles ne créent pas de masse monétaire supplémentaire. Du point de vue légal, le léman est assimilable aux chèques de voyage, ou encore aux points offerts par les grandes surfaces. En adhérant au programme, les utilisateurs s’engagent avec les promoteurs de la monnaie dans une relation contractuelle relevant du droit privé.

Encore beaucoup à faire
L’inauguration du «e-leman» a été un moment de grande satisfaction pour ses promoteurs, mais ceux-ci admettent qu’il reste encore beaucoup à faire: il faut étayer les comptoirs de change, élargir le nombre d’adhérents à l’association, établir régulièrement des bilans et les publier etc. Jusqu’ici, le projet fonctionnait grâce à 200 bénévoles. Depuis six ans d’engagement, ceux-ci doivent affronter des tâches de plus en plus complexes. On prévoit d’engager trois à quatre personnes et l’on propose aux amis des lémans de se joindre à un des cinq groupes de travail fonctionnant dans l’association. L’association espère que beaucoup de personnes seront motivées à participer à l’un ou l’autre de ces groupes.

www.monnaie-leman.org
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