PF17 est un ravalement de façade de RIE III

Suisse • Genève • La communauté genevoise d’action syndicale (CGAS) s’oppose aussi bien au nouveau projet fédéral de réforme de l’imposition des entreprises qu’à son pendant genevois.

«La nouvelle réforme de l’imposition des entreprises (Projet fiscal 17 ou PF17) est un recyclage de la Réforme RIE III qui a été refusée par le peuple en février 2017», résume Manuela Cattani, présidente de la CGAS. Le 30 novembre, la faîtière genevoise s’est dite prête, à l’occasion d’une assemblée de ses délégués, à combattre le nouveau projet de réforme de l’imposition des entreprises au niveau suisse. Elle rejette aussi sa version genevoise. «Pour nous, il est clair que toute réforme doit se faire en respectant la neutralité des coûts et en maintenant des ressources pour les services publics. Ce qui n’est pas le cas avec les moutures tant fédérale que genevoise», explique encore Manuela Cattani.

«C’est de la pure provocation»
Analysant de plus près le PF17, Davide de Filippo, secrétaire syndical au SIT, dénonce les cadeaux fiscaux octroyés aux multinationales dans le cadre de la suppression de leurs statuts spéciaux. S’il se félicite de la disparition de la déduction des intérêts notionnels (NID), il relève que les réductions d’impôt comprises dans le système de patent box ou pour la recherche et le développement (R&D) continuent à être inacceptables. «Les brevets sont déjà garantis par l’Etat, ce qui permet aux multinationales de vendre leurs produits à des prix supérieurs au marché. La défiscalisation des revenus et bénéfices qui en sont issus représente donc un double cadeau inacceptable», souligne le secrétaire syndical.

«Dans la RIE III, la limite totale des allégements pouvait aller jusqu’à à 80%. Dans le PF17, elle est limitée à 70%, c’est de la pure provocation», vitupère encore Davide de Filippo. Le projet, dont la mise en consultation vient de se terminer, renforcera la concurrence fiscale intercantonale et entraînera des milliards de pertes pour les collectivités publiques, estime encore la CGAS. La faîtière dénonce aussi les maigres compensations sociales incluses dans la réforme, sous forme d’augmentation légère des allocations familiales au niveau suisse.

La gauche sous pression à Genève

Bon connaisseur de la réforme de l’imposition des entreprises genevoise aussi en cours de discussion, Paolo Gilardi, membre du comité de la CGAS, a tiré à boulets rouges sur le projet de la droite cantonale. «Ce recyclage de façade de la RIE III cantonale persiste à vouloir fixer le taux d’imposition des bénéfices de toutes les entreprises à 13,8% . Cela entraînera des pertes fiscales de plus de 500 millions de francs par année», dénonce le syndicaliste. Il critique aussi l’ambiance délétère des discussions qui se déroulent dans le cadre de tables rondes avec le gouvernement.

«Le conseiller d’Etat Serge Dal Busco et la droite exigent que la gauche, soit le PS et les Verts, n’ait pas d’état d’âme sur la question et suive le gouvernement sans récrimination», explique Paolo Gilardi. «De plus, en instituant une taxe compensatoire de 0,22% sur la masse salariale, la réforme va obliger les toutes petites PME, qui ne paient pas d’impôt sur le bénéfice à payer pour que les grandes entreprises qui n’hésitent pas à délocaliser et à réduire le volume de l’emploi malgré les commandes publiques», critique le syndicaliste.

De faibles compensations sociales
Contrairement au canton de Vaud, où une même réforme de l’imposition des entreprises a déjà été acceptée, les compensations sociales de la PF17 genevoise seront faibles, voir inexistantes. «Le Conseil d’Etat a dit qu’il n’avait pas les moyens, du fait de la dette», précise Paolo Gilardi. La CGAS veut redoubler d’attention sur ce dossier, du fait que le Conseil d’Etat veut aller vite. Il prévoit une entrée en vigueur de la loi pour le 1er janvier 2020, sous réserve d’un éventuel référendum avec votation, agendée en mars 2019.

A l’occasion de son assemblée des délégués, la CGAS a décidé aussi de refuser à l’initiative populaire fédérale «No Billag», qui pourrait faire perdre 13’000 emplois à Genève. La faîtière a aussi décidé d’appeler à voter 4 fois Non en Ville de Genève contre les coupes budgétaires qui mettent en danger des services et prestations à la population et soutient les luttes des salariés d’ABB pour le maintien de l’emploi, du personnel des EMS contre les privatisations de certains services, du personnel des services publics et du secteur subventionné.