Bientôt la fin du «fracking»?

Vaud • Le Conseil d’Etat a présenté récemment son projet de loi sur les ressources naturelles du sous-sol. Il prévoit l’interdiction du «fracking», méthode controversée utilisée notamment pour l’extraction du gaz de schiste. Des collectifs citoyens et les Verts, qui ont fait aboutir une initiative sur le sujet, avec le soutien de la gauche et d'associations environnementales, faisaient pression en ce sens.

La technique de la fracturation hydraulique ou «fracking» suscite de nombreuses critiques un peu partout dans le monde. ici, à Gloucester, en Angleterre (photo: Kate Ausburn)

L’utilisation du «fracking» ou fracturation hydraulique, technique controversée utilisée pour extraire du sous-sol notamment le gaz de schiste ou d’autres gaz dits «non-conventionnels», pourrait être interdite dans le canton de Vaud. C’est ce que propose le Conseil d’Etat dans son projet de loi sur les ressources naturelles du sous-sol récemment rendu public.

Il y a un an, le même projet, alors en phase de consultation, ne prévoyait pas une telle mesure, mais seulement la possibilité de décréter un moratoire sur l’extraction par fracking, moratoire d’ailleurs déjà en place depuis 2011 dans le canton. Depuis, les retours de consultation ont été pris en compte, et surtout, les Verts, avec le soutien de la gauche, ont lancé et fait aboutir une initiative visant à interdire totalement la prospection, l’exploration et l’extraction d’hydrocarbures en général (gaz, pétrole, huile minérale) dans le canton. Le parti écologiste estimait en effet qu’un moratoire était insuffisant du fait qu’il «pouvait être levé à tout instant». Il considérait également que le projet initial du Conseil d’Etat laissait la porte ouverte à des projets d’exploration. En 3 mois, les Verts avaient réuni 15’000 signatures sur les 12’000 nécessaires.

Une technique chère et polluante
Le fracking est une technique qui permet de fracturer la roche en profondeur en injectant un fluide, associé parfois à des produits chimiques et à des substances minérales, sous haute pression et ainsi d’élargir la fissuration naturelle existante ou de créer des fissures artificielles, permettant de dégager le gaz convoité. Ses partisans font miroiter la création d’emplois et l’augmentation de l’indépendance énergétique que son utilisation pourrait générer. Il suscite toutefois de nombreuses critiques un peu partout dans le monde. On sait en effet, suite à des précédents notamment aux Etats-Unis, que cette technique est susceptible de polluer les nappes phréatiques et l’air, ou encore de provoquer des tremblements de terre. Les Verts pointent également «le coût financier important de cette extraction, qui serait mieux investi dans les énergies renouvelables».

Mais leur initiative ne vise pas que le fracking. Elle considère, plus largement, que les hydrocarbures en général «sont inutiles, l’avenir étant aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique», d’où une volonté d’interdire totalement leur prospection et leur utilisation. Ils ont ainsi salué l’évolution de la position du Conseil d’Etat, puisque le projet de loi qui sera finalement soumis au Grand Conseil prévoit que «la recherche et l’exploitation des hydrocarbures utilisant la fracturation hydraulique ainsi que toute autre méthode de stimulation visant à fracturer la roche sont interdites». Pour eux, il s’agit d’un «pas dans la bonne direction».

Ils regrettent toutefois que l’extraction d’hydrocarbures par d’autres moyens, ou l’exploitation des gisements dits «conventionnels» (qui ne nécessitent pas de fracking pour les exploiter) ne soient pas aussi interdites: «Alors que la diminution des émissions de gaz à effet de serre est une priorité mondiale, et que le Conseil d’Etat s’est enorgueilli dans son programme de législature de la mise en œuvre prochaine d’un ‘plan climat’, une telle porte laissée ouverte semble anachronique», écrivent-ils dans un communiqué. Ils ont également annoncé que la question d’un éventuel retrait de leur initiative ne serait discutée qu’après la fin des débats parlementaires.

Du côté d’Ensemble à Gauche, on estime que le projet du Conseil d’Etat représente «un petit pas dans le sens d’une réduction de l’usage des énergies carbonées, notamment les méthode d’extraction les plus polluantes (…)», mais qu’il reste «largement insuffisant», laissant «de grandes possibilités d’exploitation d’hydrocarbures, à contresens total des impératifs écologiques qui devraient guider la politique énergétique du Canton». La coalition de gauche radicale annonce ainsi d’ores et déjà qu’elle se battra pour que l’initiative «ne soit pas retirée au profit d’un contreprojet insuffisant et trop partiel».

Des mobilisations citoyennes
Pour rappel, dans le canton de Vaud, la société Petrosvibri avait entrepris en 2009 un forage exploratoire profond de plus de 3’500 mètres sous le Léman depuis Noville. Elle y avait découvert du «tight gas», exploitable par fracturation hydraulique. D’autres projets de forages exploratoires dans le Gros-de-Vaud avaient également été annoncés, suscitant de nombreuses protestations citoyennes et la création notamment du collectif «halte aux forages». Aujourd’hui, ces projets ont été interrompus.

De fait, plusieurs cantons ont déjà pris ou sont en train de prendre des mesures contraignantes quant à l’utilisation du fracking. Bien que la gestion des sous-sols soit de compétence cantonale, le Conseil fédéral s’est lui aussi positionné sur la question dans un rapport datant de mars 2017. Il ne s’y prononçait pas en faveur d’une interdiction ou d’un moratoire mais affirmait «ne pas soutenir le recours à la fracturation hydraulique pour mettre en valeur des gisements de gaz».

A noter finalement que l’interdiction prévue par le projet du Conseil d’Etat ne concerne pas la géothermie profonde, soit l’exploitation de l’énergie de nappes d’eau chaude souterraines, proposition que les Verts soutiennent. Cette ressource, dont l’exploitation n’est pas encore au point, est en effet considérée comme une potentielle source future de remplacement partielle de l’énergie nucléaire.