La machine de l’asile méprise les femmes

Migration • L’«appel d’elles», signé par de nombreuses personnalités et organisations, a été déposé à l’occasion du 8 mars à la Chancellerie fédérale. Il demande que les violences faites aux femmes soient mieux prises en compte dans le cadre de la procédure d’asile.

8371 personnes ont signé l'appel d'elles, lancé il y a un an à l'occasion du 8 mars. Parmi elles, de nombreuses presonalités comme Vania Alleva, présidente d’Unia, Anne Bisang, directrice du TPR, la rappeuse La Gale, la conseillère d’Etat neuchâteloise Monika Maire-Hefti ou les parlementaires fédérales Lisa Mazzone, Ada Marra et Liliane Maury Pasquier.

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Mara (prénom d’emprunt) est Erythréenne. A 18 ans, elle quitte son pays pour échapper au service militaire et entame le voyage vers la Suisse, via le Soudan et la Libye, puis une traversée en bateau vers l’Italie. Durant son voyage, elle a été kidnappée, agressée et violée. Arrivée en Suisse, elle est renvoyée une première fois en Italie en vertu des accords de Dublin, où elle se retrouve à la rue et est à nouveau agressée et violée. Après 7 mois d’errance, ne sachant que faire, elle revient en Suisse et adresse au SEM une demande de reconsidération, qui sera rejetée.

Pour les plus de 8000 personnes et dizaines d’organisations signataires de l’«appel d’elles», ce type de situation, trop fréquent, ne doit plus arriver. L’appel, qui a été déposé le 8 mars à la Chancellerie fédérale, demande que les violences faites aux femmes dans leur parcours migratoire soient considérées comme une raison d’entrer en matière immédiate sur leur demande l’asile, que les femmes et enfants victimes de séquelles physiques et psychologiques dues aux violences subies dans leur pays d’origine et/ou lors de leur parcours migratoire soient systématiquement prises en charge et que les renvois de femmes et d’enfants «vers l’Italie ou tout autre pays qui n’est pas en mesure d’assurer leur protection cessent immédiatement».

Vania Alleva, présidente d’Unia, Anne Bisang, directrice du TPR, la rappeuse La Gale, la conseillère d’Etat neuchâteloise Monika Maire-Hefti ou les parlementaires fédérales Lisa Mazzone, Ada Marra et Liliane Maury Pasquier figurent parmi les signataires, tout comme quelques dizaines d’organisations dont Unia, le SSP, les Verts ou la Marche mondiale des femmes.

Sommaruga fait la sourde oreille
«L’appel a été lancé le 8 mars 2017 par des organisations de terrain comme le collectif R, suite au constat que la situation de vulnérabilité extrême de certaines femmes n’était pas du tout prise en compte par les autorités, en particulier dans le cas des renvois Dublin», explique Sophie Guignard, l’une des coordinatrices du mouvement. Depuis, nombre de témoignages similaires à celui de Mara ont été relayés publiquement. Cette semaine encore, le collectif R diffusait un communiqué dénonçant «le renvoi imminent d’une femme et de deux enfants en bas âge vers l’Italie». Des cas de renvoi de femmes proches du terme de leur grossesse ont également été dénoncés. «Depuis 1998, les motifs de fuite spécifiques aux femmes figurent dans la loi sur l’asile mais cet élément n’est pas suffisamment pris en compte, poursuit Sophie Guignard. Ces femmes ne sont pas considérées comme victimes ou survivantes mais font partie du ‘’contingent’’ de migrants à renvoyer!»

En 2013 déjà, Karine Povlakic, juriste au Service d’aide juridique aux exilés (SAJE) de Lausanne écrivait: «Nous avons pu constater dans nos permanences que la quasi-totalité des femmes seules qui viennent demander l’asile en Suisse ont été violées en Italie, en plus des viols subis dans leur pays d’origine ou pendant leur fuite.»

L’appel sera-t-il entendu? Pour l’heure, la conseillère fédérale en charge du dossier semble peut encline à l’écoute. «Nous lui avons adressé une lettre demandant un rendez-vous mais elle a refusé», déplore Sophie Guignard. Un nouveau rendez-vous a été demandé. Quoi qu’il en soit, «l’appel d’elles ne va pas se terminer aujourd’hui, 8 mars, à l’occasion du dépôt à la chancellerie, mais la lutte devra se poursuivre tous les autres jours de l’année», conclu la militante.