La répression: une stratégie vouée à l’échec

Opinion • La mort de deux Africains suite à des contrôles de police à Lausanne agite les milieux solidaires des migrant-e-s. Elle interroge la politique sécuritaire et répressive mise en place contre le trafic de drogue, tout comme la stigmatisation des ressortissants africains.

En novembre 2017. une manifestation avait été organisée pour dénoncer la mort suspecte à Lausanne de Lamin, un réfugié gambien (DR).

La gauche a toujours milité pour une légalisation de la consommation des certaines drogues. Elle estime également que les addictions doivent être traitées comme un problème de santé publique. Elle constate enfin de longue date l’échec de la répression comme méthode de lutte contre le trafic de drogues, et elle n’est pas la seule. En 2016, dans un rapport commémoratif de ses 50 ans d’activité, la Commission des stupéfiants des Nations Unies, présidée par Ruth Dreifuss, arrivait à la même conclusion: la répression contre le trafic est un échec total et il faut passer à autre chose. La Commission fédérale pour les questions liées aux addictions (CFLA) met elle aussi en lumière que «l’illégalité rend par définition impossible tout contrôle des substances et de la consommation. Or les substances non contrôlées sont celles qui présentent le plus de risques pour les consommateurs».

Il n’y a pas plus hypocrite, dans une société donnée, que d’envoyer la police réprimer les vendeurs de rue, le maillon plus faible de la chaîne qui va de la production à la consommation des drogues. L’absurdité de cette logique a été poussée à l’extrême aux Philippines, où le président Duterte, pendant ses quatre premiers mois de présidence, a fait exécuter plus de 3700 personnes, consommateurs ou vendeurs de drogues, afin, selon lui, «d’en finir avec la racine du problème».

Dans une société démocratique en revanche, où l’état de droit est respecté, il est nécessaire de tout mettre en place pour légaliser la consommation, privilégier la prévention à la répression, et traquer le problème à son origine, soit du côté des cartels de la drogue, et non pas dans les rues ou du côté des consommateurs. Les tenants d’un discours sécuritaire et répressif des petits vendeurs et des consommateurs sont toutefois encore nombreux, et se trouvent surtout à droite de l’échiquier politique.

Un PLR à géométrie variable
A Lausanne, la droite s’est ainsi violemment opposée il y a quelques années à l’installation d’un local d’injection encadré par des assistants sociaux et du personnel spécialisé. Aujourd’hui, le PLR a quelque peu changé de position sur le sujet, au vu des expériences positives réalisées par des locaux d’injection dans de nombreuses autres villes de Suisse. Il a soutenu un nouveau projet. Mais il continue à demander plus de répression et de présence policière à la place de la Riponne, afin, soi-disant, de contrecarrer la vente et la distribution des stupéfiants. En 2017, le Municipal PLR en charge de la police Pierre-Antoine Hildbrand avait ainsi envoyé un sondage à 3000 habitants des quartiers de la Riponne, du Tunnel, Maupas, Chauderon, dans lequel certaines populations vulnérables étaient stigmatisées. Le municipal s’était engagé à réprimer les dealers, les mendiants, les roms et les toxicomanes dans les rues de Lausanne.

Récemment, cette politique a provoqué la protestation des milieux associatifs. En particulier après le décès de deux ressortissants africains suite à des interventions de la police.En novembre dernier, la mort d’un jeune Gambien de 23 ans dans une cellule de la police cantonale avait suscité d’importantes manifestations de protestation. D’autant plus que le jeune homme avait été arrêté à tort, confondu avec un homonyme. Dans la nuit du 28 février dernier, un Nigérian prénommé Mike, père de deux enfants, décédait lui aussi après avoir été arrêté par la police. Il était membre du collectif Jean Dutoit, solidaire des migrant-e-s sans-abri à Lausanne depuis plusieurs années. Mike a été présenté par les journaux 20 Minutes et 24 Heures, comme étant «soupçonné de trafic de drogue». Le collectif accuse la police d’être responsable de ce décès, alors que celle-ci explique que le concerné aurait résisté à son arrestation, eu un malaise et perdu connaissance après avoir été immobilisé.

Populations vulnérables
Les circonstances exactes du décès doivent encore être établies. Toutefois, ces événements doivent interpeller la conscience collective des Lausannois et de toute la société suisse. Stigmatiser la population africaine et certaines populations vulnérables comme source de tous nos problèmes ne contribuera jamais à la recherche des vraies solutions et à la compréhension d’une problématique sociale complexe comme le trafic et la consommation des drogues.

Pour attirer l’attention sur ces problématiques et sur la mort de Mike, les collectifs solidaires avec les migrants, des associations, avec le soutien des partis politiques de gauche organisent une manifestation le samedi 10 mars à 13h à Lausanne. Ensemble à Gauche a également déposé une interpellation au conseil communal sur le sujet.

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Le lieu de départ et le parcours de la manifestation
seront communiqués sur: www.facebook.com/events/180204045929100