Le Brésil dans l’incertitude

Brésil/FSM • La politique de Michel Temer pèse sur les plus pauvres, alors que les élections présidentielles d’octobre sont suspendues au cas Lula, sous enquête judiciaire.

Après près de 15 ans au gouvernement, le parti des travailleurs brésiliens (PT), sous la présidence d’abord de Lula, puis de Dilma Rousseff, a été expulsé du pouvoir en 2016 par un coup d’Etat parlementaire. Depuis, le président Temer, sans aucune légitimité populaire ni démocratique, mais avec l’appui du parlement, où la droite est largement majoritaire, mène une politique de déconstruction des programmes sociaux et de privatisation des biens publics.

La délégation suisse au FSM, organisée par l’ONG E-Changer a pu en mesurer les conséquences directes sur les mouvements sociaux, entre autres lors de sa visite à l’assentamento (implantation) de Paulo Cunha, dans le Municipe de Santo Amaro à un peu plus d’une heure de Salvador de Bahia: là, les paysans affiliés au Mouvement des sans terre (MST) ont obtenu un droit de superficie après une lutte de 20 ans. Cette reconnaissance permet en principe et selon une loi fédérale, d’accéder à un toit, à l’eau potable et à une source d’énergie. Pourtant seules 17 maison sur 170 ont été construites, mais sans accès à l’eau parce que les fonds gérés par l’Institut de colonisation et de réforme agraire (INCRA) ont été coupés!

Dures mesures d’austérité

On a aussi appris par un syndicat des employés domestiques que la retraite minimale a été amputée de 25%, ou encore, à l’occasion de la visite d’un projet d’autoconstruction de maison, que les fonds fédéraux pour ses projets avaient été stoppés depuis 1 an. Ce ne sont que quelques exemples pour comprendre la dureté des mesures prises par le président Temer. C’est dire le désespoir des personnes rencontrées, expliquant qu’il soit particulièrement impopulaire. C’est Lula qui devance d’ailleurs ses concurrents dans les sondages pour l’élection présidentielle prévue en octobre 2018. Pourtant, la droite, avec les juges dont on connaît le degré de corruption, essaie par tous les moyens d’empêcher Lula de se représenter.

Si ce n’est pas encore le cas, c’est parce que Lula a fait appelle au tribunal fédéral et que sa condamnation en janvier 2018 pour fraude et corruption (sans aucune preuve effective) est en suspens. Mais il risque la prison, et donc d’être déclaré inéligible, ce qui priverait le candidat le plus populaire de se présenter. Le chaos qui risquerait de s’ensuivre justifierait un coup d’Etat militaire: c’est ce que les membres de la délégation E-Changer ont entendu plusieurs fois au cours des 5 jours de rencontres et partages avec les partenaires locaux de longue date de cette ONG. Il faut savoir que déjà l’Etat de Rio est complètement militarisé depuis quelques mois, sous le prétexte de lutter contre la criminalité. C’est donc un Brésil plein de doutes et d’incertitudes qui reçoit le 13ème Forum Social Mondial (FSM).