Service public et égalité, des combats liés

1er Mai • Cette année, la question de l’égalité sera au centre des manifestations syndicales du 1er Mai. Michela Bovolenta, secrétaire centrale au SSP, revient avec nous sur cette revendication et sur les combats syndicaux dans le secteur public, des thématiques souvent étroitement corrélées.

Michela Bovolenta (devant, à droite) lors d’une manifestation pour revendiquer des contrôles de l’égalité salariale dans les entreprises. (CC SGB / USS)

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Cette année, l’égalité salariale est au centre des revendications syndicales du 1er Mai, dans un contexte pessimiste: les modifications de la loi sur l’égalité proposées par Simonetta Sommaruga, pourtant modestes, n’ont pas réussi à passer la rampe. L’augmentation de l’âge de la retraite des femmes, combattue dans PV2020, figure dans le nouveau projet sur les retraites d’Alain Berset. Comment changer les choses?
Michela Bovolenta Au niveau syndical, nous y voyons un signe qu’il faut passer à la vitesse supérieure. Cela fait des années que nous nous mobilisons chaque 8 mars, chaque 14 juin. En 2015, une manifestation a réuni 12’000 femmes à Berne. Si on fait un bilan sur la durée, ces mobilisations ont permis d’obtenir quelques avancées, comme le congé maternité ou de freiner certaines attaques, comme sur le remboursement de l’avortement. Mais globalement l’égalité avance trop lentement. Au mois de janvier, le congrès des femmes de l’USS a donc décidé d’organiser une nouvelle manifestation nationale le 22 septembre et de faire de l’égalité le thème du 1er mai. Nous réfléchissons aussi à organiser une mobilisation plus large, qui, d’ici 2019, pourrait aboutir à une nouvelle grève des femmes: une grève féministe pourrait donner un nouvel élan pour l’égalité et contre les discriminations: des assises romandes pour en discuter sont organisées le 2 juin à Lausanne.

Le SSP s’était fortement engagé dans la lutte contre la RIEIII, mais les revendications de gauche ne sont que peu prises en compte dans le nouveau Projet Fiscal 17. Quelle est votre réaction?
Ce projet est le frère jumeau du précédent. Rien ne change, nous y sommes donc opposés. Il va accentuer la concurrence fiscale à la baisse entre cantons, ce qui aura des conséquences sur les rentrées fiscales et donc sur les services publics, notamment sur la dotation en personnel, dans des domaines comme la santé, le social, etc.

La pression sur les services publics est déjà forte. Comment se manifeste-t-elle du côté des salariés? Touche-t-elle davantage certains secteurs?
Elle touche tous les secteurs. On observe notamment de grandes tensions dans le secteur de la santé, dans les EMS, les hôpitaux, les soins à domicile. Le personnel court et s’épuise pour essayer de maintenir une bonne qualité de soins. Les enseignant-e-s ont lancé, au niveau national, une pétition intitulée «Laissez-nous enseigner. Pour de bonnes conditions de travail dans l’enseignement», car il y a beaucoup de stress et des burn-out. Le secteur social est aussi sous pression. En mars, une manifestation contre l’austérité à Neuchâtel a dénoncé la réduction des prestations, qui pénalise les plus démunis.

Les employés de l’Etat ont vite fait de passer pour des «privilégiés» par rapport à d’autres professions. Comment combattre cet argument récurrent?
C’est l’argument classique pour diviser les salarié-e-s des secteurs privé et public, mais cela n’a rien à voir avec la réalité, il suffit de se rendre sur le terrain pour le constater. Aujourd’hui, les conditions de travail se sont durcies partout. Les vrais privilégiés ne sont pas les salarié-e-s, de quelque secteur que ce soit, mais les patrons et les actionnaires, dont les dividendes augmentent au détriment des salaires! Selon le cabinet de conseil Willis Towers Watson, les propriétaires des sociétés cotées à la bourse suisse ont empoché, en 2016, près de 70% des bénéfices réalisés, contre 36% dix ans auparavant!

Genève a récemment été concerné par plusieurs cas d’externalisation ou projets d’externalisation dans les services publics (EMS de Plantamour et Notre-Dame, HUG). Faut-il y voir une tendance générale?
Il y a une tendance à externaliser certains types de services dans le but d’économiser sur les coûts du travail notamment. Ce n’est pas nouveau. Dans le nettoyage, on constate cela depuis pas mal d’années. A noter que l’externalisation touche souvent des femmes, qui ont déjà de mauvaises conditions de travail.

La récente enquête sur la population active de l’OFS montre une augmentation générale des contrats à durée déterminée en Suisse, surtout chez les jeunes. Observez-vous aussi cette tendance dans le secteur public?
Cette tendance touche tous les secteurs professionnels, y compris le public. Il y a une augmentation des contrats précaires, du travail temporaire et sur appel et des contrats de stage. Dans le public, le recours à ce type de contrat est parfois une façon d’éviter d’augmenter formellement les budgets.

Plusieurs mobilisations récentes dans le public ont abouti à des succès, comme celles autour de la caisse de pension de l’Etat de Vaud (qui a permis de bloquer une dégradation des retraites des fonctionnaires), des EMS Plantamour et Notre-Dame à Genève (dont le service hôtelier ne sera finalement pas externalisé), ou de la CCT21 à Neuchâtel (que la population a refusé de démanteler à une large majorité). Au vu de ces mobilisations et succès, êtes-vous optimiste pour l’avenir?
Les mobilisations sont toujours un élément positif. L’exemple de la CPEV montre qu’elles permettent de bloquer certaines décisions néfastes. C’est par la mobilisation que l’on peut contrer le démantèlement des conditions de travail et des retraites. En plus des succès que vous mentionnez, en 2017, nous avons également gagné deux batailles importantes au niveau national contre la RIEIII et contre PV2020. Il est vrai que les autorités reviennent aujourd’hui avec des projets similaires, mais pour l’heure nous avons pu mettre un frein à l’agenda de démantèlement de la droite et du patronat.

Quels seront les combats prioritaires du SSP pour les mois à venir?

Au niveau des femmes du SSP, nous voulons faire avancer la question de l’égalité tant au niveau des salaires que de la lutte contre les violences et toutes les discriminations à l’encontre des femmes. Cela implique notamment de renforcer l’accueil des enfants ou la prise en charge des personnes malades et âgées. Ce combat s’articule donc étroitement avec celui de la défense des services publics. Lorsqu’une prestation publique est démantelée, les besoins ne disparaissent pas pour autant et de fait, ce sont souvent les familles et particulièrement les femmes qui reprennent les tâches abandonnées par l’Etat.
Au niveau national, la question de la fiscalité sera un combat prioritaire, car elle est étroitement liée au financement des services publics. Le thème des retraites va également rapidement revenir sur la table.