Faire ce qu’on dit, sans dire ce qu’on va faire

France • Après un an au pouvoir, le président de la République française assure dans tous les médias qu’il «fait ce qu’il a dit». En réalité, nombre de ses annonces de campagne sont loin d’être réalisées (par Aurélien Soucheyre, paru dans L’Humanité).

Macron avait promis de «moraliser la vie politique», mais ne l’a jamais fait. (DR)

Emmanuel Macron le répète à chaque fois qu’il s’agit de défendre sa politique: il tient ses promesses. Il l’a rappelé en décembre à Laurent Delahousse, présentateur de la chaîne de télévision France 2: «Je fais ce que j’ai dit. Avec détermination.» Puis de nouveau en avril devant Jean-Pierre Pernaut, à TF1: «Je fais ce que je dis. Peut-être qu’on n’était plus habitué.» Si le président de la République le martèle tant, c’est sans doute parce qu’il a été le tout dernier des candidats à présenter son programme pendant la course à l’Élysée, l’an dernier. Après une longue série de discours faussement bienveillants et bourrés de poncifs, il s’y est résolu le 2 mars 2017. A l’époque, cela l’arrangeait d’avancer dans l’ombre. «C’est une erreur de penser que le programme est le cœur d’une campagne», expliquait-il, ajoutant que «la politique, c’est mystique».

La fin de l’ISF
Mais, maintenant qu’il a été élu par défaut, le voilà qui cite son programme pour légitimer son action. Fait-il pour autant ce qu’il dit, ou prend-il de sacrées libertés vis-à-vis de sa parole et de son «contrat avec la nation»? Le plus emblématique de ses engagements non tenus est sans doute celui du 27 juillet 2017: «Je ne veux plus, d’ici à la fin de l’année, avoir des femmes et des hommes dans les rues», lançait-il. Au 1er janvier 2018, il restait pourtant des milliers de sans domicile fixe et de réfugiés dans les rues. Et ce n’est pas tout: souvent accusé d’être le président des riches, Macron se réfugie derrière son fameux «projet» pour défendre la fin de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Son programme de 2017 stipule noir sur blanc que «la réforme de la fiscalité se fera à coût nul». La création du prélèvement forfaitaire unique (PFU) (flat tax perçue sur certains placements financiers) devait ici permettre «de compenser la perte de recettes dues au remplacement de l’ISF» par l’IFI (impôt sur la fortune immobilière). Mais, loin de rapporter les 3,25 milliards d’euros ici perdus, le PFU a en réalité fait perdre 1,3 milliard de plus à l’Etat!

Cela, Macron ne l’avait pas dit, tout comme il n’avait pas annoncé la baisse des aides personnalisées au logement (APL), ou la fin de nombre d’emplois aidés. Pendant la campagne, il annonçait également devant les maires de France qu’il leur demanderait de faire 10 milliards d’euros d’économies sur le quinquennat. Désormais président, l’addition est montée à 13 milliards… Et les plans à 5 milliards qui émaillent sa feuille de route, tantôt pour la santé, tantôt pour l’écologie, ou enfin pour les agriculteurs, n’ont encore trouvé aucune traduction concrète dans le plan budgétaire courant jusqu’en 2022. La promesse d’aider «les agriculteurs à être payés au prix juste» n’a de son côté même pas survécu aux états généraux de l’alimentation.

Pas de moralisation de la vie publique
La liste est loin d’être complète: la première loi du quinquennat, dite de moralisation de la vie politique, devait interdire aux parlementaires d’exercer une activité de conseil en parallèle de leur mandat. Il devait aussi être impossible de se présenter à une élection en cas de casier judiciaire (niveau B2). Tout cela est finalement autorisé. Le gouvernement ne devait pas toucher «au niveau des pensions» de retraites, mais les a de fait attaquées, avec la hausse de la CSG (contribution sociale généralisée, un prélèvement obligatoire participant au financement de la sécurité sociale)… Enfin, la réforme qui devait «libérer le travail» a été faite dans le cadre d’une blitzkrieg sociale et parlementaire que n’aurait pas reniée François Fillon. Quant à la loi asile et immigration, elle consacre hors programme l’internement des mineurs, le délit de solidarité et la fin de l’inconditionnalité de l’accueil en centre d’hébergement d’urgence, pour le plus grand plaisir de Marine Le Pen. Soit les deux épouvantails qui ont permis à Macron de gagner.