Les efforts inutiles des élèves neuchâtelois

Neuchâtel • Malgré le fait qu’ils avaient obtenu la moyenne requise, des élèves neuchâtelois se sont vus priver d’entrée au lycée.

La société libérale affirme vouloir des femmes et des hommes libres et responsables. Dans la pratique, les dirigeants du libéralisme sont cependant contents de pouvoir bénéficier de tous ceux qui sont un peu moins libres et un peu moins responsables. Et plus vite ça commence mieux c’est!

Pour accéder aux Lycées neuchâtelois, les élèves doivent réunir des notes suffisantes. Pourtant, certaines et certains d’entre eux étant parvenu à répondre à ces exigences à force de persévérance se sont vus refuser l’entrée au Lycée. La raison? Ces élèves n’avaient pas atteint les notes suffisantes à la fin du premier semestre de leur dernière année scolaire. La pratique du libéralisme exige de chacun qu’il soit toujours excellent. Donc, se rattraper en cours d’année est moins performant que d’être bon depuis le début. C’est pourtant simple à comprendre.

Être performants depuis le début
La Conseillère d’Etat socialiste Monika Maire-Hefti, interrogée par Arcinfo, a donné deux raisons majeures à cette règle inexplicable. Tout d’abord, le lycée dure trois ans à Neuchâtel, contre quatre dans d’autres cantons et il ne faut pas «prendre le risque que notre maturité ne soit plus reconnue par la Confédération». Par ailleurs, explique la conseillère d’Etat, les élèves doivent apprendre à être performants depuis le début et pas seulement en cours d’année.

A l’époque, lorsque la durée de formation au Lycée a passé de quatre à trois ans, sauf erreur sous la direction du Conseiller d’Etat libéral Jean Cavadini, les députés du POP s’y étaient opposés. Réduire le temps de formation alors que les matières enseignées augmentent chaque année leur paraissait difficilement acceptable. Mais la proposition fut acceptée, peut-être pour réaliser quelques économies. Aujourd’hui, on voit que cette concentration du temps pour apprendre provoque des pressions sur les élèves. Serait-ce que moins il y a de gens formés, mieux ils pourront être exploités par les autres?

Un individu hors de la société

Cette pédagogie qui ne favorise que les plus doués nous rappelle un article sur la pensée de Marx paru dans le numéro spécial de Gauchebdo consacré au 200e anniversaire de sa naissance, sous la plume d’Alexander Eniline. Il soulignait l’antagonisme existant entre individu et société: «Aucun des prétendus droits de l’homme ne dépasse l’homme égoïste, l’homme en tant que membre de la société bourgeoise, c’est-à-dire un individu séparé de la communauté, replié sur lui-même, uniquement préoccupé de son intérêt personnel et obéissant à son arbitraire privé. L’homme est loin d’y être considéré comme un être générique; tout au contraire, la vie générique elle-même, la société, apparaît comme un cadre extérieur à l’individu, comme une limitation de son indépendance originelle. Le seul lien qui les unisse, c’est la nécessité naturelle, le besoin et l’intérêt privé, la conservation de leurs propriétés et de leur personne égoïste». Et tant pis pour les élèves moins doués ou ayant plus de difficulté, c’est chacun pour soi!

La pratique neuchâteloise illustre malheureusement cette analyse, car l’individu n’a de valeur qu’en se surpassant. Ou alors, il doit se contenter de rejoindre les consommateurs heureux de compenser leurs difficultés par les objets inutiles que le libéralisme leur présente. L’exploitation par les tenants du pouvoir économique de celles et ceux qui n’«y arrivent pas» sépare inexorablement l’individu de la société. Pour se consoler il reste encore la messe du dimanche, mais la fréquentation se réduit! Bien triste réalité.