Le législatif lausannois s’agite sur le deal

Vaud • Le conseil communal lausannois a voté une résolution demandant de renforcer la protection des jeunes face au deal de rue, bien que la menace qu’il représente réellement pour eux ne soit pas établie. Deux résolutions d’Ensemble à Gauche ont été rejetées.

La question du deal de rue a occupé le conseil communal lausannois le 12 juin dernier durant plus de deux heures. Celui-ci a finalement adopté par 63 oui, un non et 5 abstentions une résolution de la conseillère communale PDC Sandra Pernet, demandant «que la Municipalité renforce les mesures destinées à protéger les enfants et les jeunes lausannois du deal de rue, notamment dans les quartiers particulièrement touchés par cette problématique et à les sensibiliser aux effets et conséquences de la consommation de drogues». Une demande qui semble relever avant tout de la communication politique.

En effet, plus tôt dans les débats, répondant à une interpellation de la même Sandra Pernet, le municipal des écoles David Payot avait rappelé que «les professionnels de la scolarité ne constatent pas de lien significatif entre le deal de rue et la consommation de substances psychoactives par des mineurs». «Ceci semble explicable parce que les premières consommations concernent généralement l’alcool et le tabac et que l’accès aux substances se fait généralement par d’autres voies, typiquement avec des pairs du même âge ou légèrement plus âgés, parfois avec des parents consommateurs», a-t-il détaillé, citant également des études qui constatent une diminution significative de la consommation de tabac, alcool, ou cannabis chez les jeunes entre 2004 et 2014.

Une interrogation légitime

Estimant l’interrogation des familles légitime, il a malgré tout détaillé l’arsenal préventif déjà existant dans les écoles: si la présence de dealers est constatée aux abords des écoles, les acteurs de l’école sont appelés à le signaler à la police. Une campagne intitulée «Pote bourré pote en danger» a été menée en 2017 par la Municipalité, l’unité cantonale de promotion de la santé et de prévention scolaire aborde avec tous les élèves la question de la consommation et intervient lorsqu’une situation problématique est signalée. Seuls 20 cas l’ont été en 2017, les écoles proches des scènes de deal n’étant pas surreprésentées. Ces signalements se font via les infirmières scolaires, qui passent dans les classes pour expliquer leur rôle, donner des numéros comme le 147 (numéro d’urgence pour les enfants et les jeunes) et sont à disposition des enseignants pour traiter des questions de possible consommation, notamment en amont des camps. «Les enseignants n’ont à ce jour pas sollicité de telles interventions», a précisé David Payot. Enfin, l’ensemble des professionnels du milieu scolaire «œuvrent au repérage, au suivi et à l’orientation des enfants en difficultés diverses», a souligné le municipal, précisant qu’un renforcement de ces mesures, notamment par des travailleurs sociaux hors murs, n’était pas envisagé, en particulier juste avant les vacances.

Des montants trop élevés pour la répression

Le syndic socialiste Grégoire Junod a quant à lui rappelé que le renforcement de la présence policière récemment annoncé par l’exécutif visait aussi des fins préventives. Une argumentation qui n’a pas convaincu Ensemble à Gauche. «Les mesures dissuasives et de répression, si l’on en croit la majorité des experts du milieu de l’addiction en Suisse, renforcent le problème de la consommation de drogue (…) et provoquent le simple déplacement du deal», a martelé Johann Dupuis, critiquant le fait que «les montants assignés à la répression représentent le double que ceux attribués à la prévention». Au nom d’Ensemble à Gauche, il a proposé deux résolutions demandant des mesures centrées sur la prévention, la réduction des risques et la thérapie et que la Municipalité fasse en sorte que la ville puisse rapidement mener une expérience de distribution contrôlée et régulée de cannabis. Celles-ci ont toutefois été rejetées.