Ahmed Hamed bientôt libéré

Hongrie • Accusé de terrorisme dans le pays de Viktor Orban pour avoir jeté des pierres en direction des forces de l’ordre à la frontière serbo-hongroise, Ahmed Hamed a vu sa peine réduite à cinq ans par la Cour d’appel. Un soulagement pour ce père de famille qui pourra bientôt retrouver les siens.

Tout l’enjeu du procès était de déterminer si les actes reprochés à Ahmed H. constituaient des actes terroristes. (Sosf)

Le 20 septembre dernier, la Cour d’appel de Szeged, ville du sud de la Hongrie, a rendu son verdict définitif dans l’affaire Ahmed Hamed : la condamnation pour terrorisme demeure, mais la peine est réduite à cinq ans en raison de circonstances atténuantes, au lieu de dix initialement. Ayant déjà passé trois années en détention préventive, le Syrien de 41 ans pourra en principe sortir de prison début 2019.

Bloqué par les barbelés hongrois

Marié à une Chypriote, père de deux enfants, Ahmed H. (à ne pas confondre avec un autre Ahmed H., réfugié Irakien vivant en France et cadre présumé de Daesh) vivait à Chypre depuis plusieurs années quand il décide en septembre 2015 d’accompagner sa famille qui fuyait la Syrie en guerre. C’est durant cette même période que le premier ministre hongrois, Viktor Orbán, met en œuvre son programme anti-migrants. Il fait construire une barrière le long de toute sa frontière sud, empêchant le passage des personnes en fuite venant depuis la Serbie et la Croatie, par la «route des Balkans». Le 15 septembre 2015, la frontière est complètement fermée. Ahmed et sa famille sont bloqués derrière les barbelés à Röszke, avec des centaines de personnes.

Dans une vidéo diffusée par Amnesty International, on le voit parler aux forces de l’ordre à l’aide d’un mégaphone. Il essaie de les convaincre de laisser passer la foule, tout en assurant que personne ne veut leur faire de mal. La tension finit par éclater: quelques personnes, dont Ahmed, lancent des pierres en direction des forces de l’ordre, qui répliquent avec des gaz lacrymogènes et des canons à eau. Une centaine de personnes sont blessées. Dans la confusion qui règne, certains arrivent à passer la frontière. C’est le cas d’Ahmed, qui est arrêté quelques jours plus tard à Budapest et inculpé. En première instance, il est condamné à dix ans de prison pour terrorisme. En mars 2018, la peine sera réduite à sept ans, puis à cinq ans en deuxième instance le 20 septembre 2018.

Terrorisme ou violence contre des policiers ?

Tout l’enjeu du procès était de déterminer si les actes reprochés à Ahmed H. constituaient de la violence envers les forces de police ou des actes terroristes. Les juges vont retenir cette dernière interprétation et élaborer un argumentaire très sophistiqué pour justifier leur choix. Ainsi, l’action d’Ahmed aurait eu pour but d’influencer non pas directement les policiers présents, mais leurs supérieurs pour qu’ils ouvrent la frontière. D’après les juges, cet acte est incomparable avec la violence à l’encontre des forces de l’ordre exercée, par exemple, par des supporters de football, qui serait directement dirigée contre les personnes que les supporters trouvent face à eux. Les observateurs internationaux se sont déclarés choqués par cette interprétation : «A travers cette utilisation très large du concept de terrorisme, le verdict ouvre la porte à toujours plus de criminalisation des réfugiés et de leurs soutiens», ont–ils écrit dans un communiqué.

Un procès politique

Pour Claude Braun, membre du Forum Civique Européen présent lors des procès de mars et septembre 2018, le caractère politique du verdict ne fait aucun doute. Car si sur la forme, le procès ne laissait pas transparaître d’irrégularités, dans le sens où les juges ont bien étudié le dossier, et que la défense a eu accès à toutes les informations, «il y avait une pression énorme sur les juges de la part du gouvernement, explique Claude Braun, dont les membres parlaient déjà du «terroriste Ahmed H.» dans les médias avant même la condamnation en première instance. Il y a clairement eu un problème de séparation des pouvoirs. » Ahmed Hamed, un bouc émissaire servant à justifier la politique anti-réfugiés de Viktor Orbán ? C’est en tout cas ce que pensent de nombreux observateurs.