L’effroyable déni de l’église catholique

La chronique féministe • La justice a mis plus de huit ans pour que se tienne le procès, à Orléans, du père Castelet, 69 ans, accusé d’agressions sexuelles sur mineurs.

La justice a mis plus de huit ans pour que se tienne le procès, à Orléans, du père Castelet, 69 ans, accusé d’agressions sexuelles sur mineurs. Le 22 novembre 2018, il a été condamné à trois ans de prison, dont un an avec sursis et mise à l’épreuve. Cette peine est assortie des obligations suivantes: interdiction d’exercer comme prêtre, interdiction d’entrer en contact avec les mineurs, obligation de soins, obligation d’indemniser les parties civiles et inscription au fichier des délinquants sexuels. Poursuivi pour avoir couvert ces faits, l’ancien évêque d’Orléans, Mgr André Fort, écope d’une peine avec sursis.

Le procès du père Bernard Preynat, accusé de pédophilie, devrait se tenir à la fin de l’année 2019, après 4 années de procédure. Il aurait été logique qu’il ait eu lieu avant celui du cardinal Barbarin, à qui il est reproché de ne pas avoir dénoncé ce prêtre aux autorités judiciaires. Le 7 mars 2019, la sentence est tombée: 6 mois de prison avec sursis.

Le directeur diocésain de l’enseignement de Loire-Atlantique, Philippe Cleac’h, a été mis en examen le 24 janvier 2019 pour «acquisition, détention, offre et cession de produits stupéfiants». Il organisait des soirées pas très catholiques qui ont alerté les gendarmes. Il a été licencié par l’évêché de Nantes.

Le 11 janvier, avant l’important sommet sur la protection des mineurs organisé à Rome du 21 au 24 février, la Congrégation pour la doctrine de la foi a pris la décision «définitive» de réduire à l’état laïc l’ancien cardinal américain, McCarrick, 88 ans, accusé d’avoir abusé de nombreux mineurs. Décision que le pape François a confirmée le 15 février.

Rien de tel hélas en ce qui concerne le cardinal Philippe Barbarin. Condamné par la justice, celui-ci a, logiquement, présenté sa démission au pape François… qui l’a refusée! Certes, on peut considérer que le fait d’abuser soi-même d’enfants est plus grave que la non-dénonciation de tels crimes. Voire l’utilisation de drogue! Mais quelle sinistre image donne d’elle-même l’église catholique! Si je comprends bien, Barbarin reste cardinal, archevêque de Lyon, conserve le titre de «monseigneur», et peut continuer à assumer son ministère, même s’il laisse désormais la conduite des affaires courantes à l’actuel vicaire général, Yves Baumgarte. Il a reconnu avoir identifié le problème posé par le père Preynat sans savoir comment y répondre. Prenant ses ordres à Rome, qui voulait avant tout éviter un scandale public, il a éloigné le prêtre coupable, qui pouvait ainsi continuer de violer des enfants, au lieu de le dénoncer.

Le refus du pape paraît incompréhensible. Il conforte celles et ceux qui doutent de la capacité de l’église à se réformer. Au lieu d’endosser ses responsabilités concernant les abus sexuels commis en son sein, elle continue à être dans le déni, à préserver sa hiérarchie et son (dys)fonctionnement.

On a pu entendre des propos abjects de la part d’hommes d’église, dont ceux de l’abbé de La Morandais, que Le Canard enchaîné du 20 mars a reproduits dans sa chronique «Le mur du son», devenu en l’occurrence «Le mur du (cale)çon». L’ex-aumônier du monde politique, fervent pratiquant des plateaux de télévision, interrogé sur la pédophilie dans l’église par LCI, dans l’émission Audrey & Co, le 18 mars, a exposé sa vision de la sexualité infantile: «On a toujours l’impression qu’un viol, c’est de la violence. Au départ, je ne crois pas. D’après les échos que j’ai eus, l’enfant cherche spontanément de la tendresse d’un homme ou d’une femme. Ce sont des enfants en frustration de tendresse (…) Vous avez tous observé qu’un gamin, il vient, il vous embrasse sur la bouche.» On se pince pour le croire. C’est le truc éternel des violeurs et de ceux qui les couvrent: on nie les faits ou leur gravité, on rejette la faute sur la victime.

Je pense aux victimes, justement. Des garçons ont été abusés, violés, pendant des années, à l’intérieur d’une église qui prêche la bonne conduite, l’honnêteté, la charité chrétienne. On a bousillé leur vie. Les pressions étaient si fortes qu’ils n’osaient pas parler. S’ils le faisaient quand même, ils n’étaient pas crus, même par leurs parents. Les prêtres coupables étaient déplacés et pouvaient recommencer leur sordide commerce avec de la chair fraîche. Du bas en haut, la hiérarchie se protégeait. Il ne fallait pas laisser éclater le scandale. Mais le scandale est justement de n’avoir rien dit, de n’avoir rien fait, d’avoir laissé des enfants aux mains de prédateurs sexuels.

Comment les victimes de ces salauds vivent-elles les longues procédures, les peines légères avec sursis, le refus du pape d’accepter sa démission? Comment réagissent-elles aux propos obscènes de l’abbé de La Morandais? Monseigneur Aupetit, archevêque de Paris, a immédiatement condamné ses propos, mais sans annoncer qu’il allait le démettre de ses fonctions.

On ne s’étonne plus de rien de la part de cette église ankylosée, qui fait le contraire de ce qu’elle prône. Qui fonctionne dans l’hypocrisie. Selon Frédéric Martel, auteur de Sodoma, le Vatican est constitué d’une majorité d’homosexuels (les gardes suisses sont constamment dragués), mais l’église continue de condamner l’homosexualité, en se fondant notamment sur le Lévitique: Tu ne coucheras pas avec un homme comme on couche avec une femme. C’est une abomination (Lv 18:22). Elle la considère comme «une déviation objectivement grave».

Concernant l’avortement, l’église catholique s’y oppose, au nom de la défense de la vie, du commencement à la fin. Elle le considère comme un crime. Sans aucune empathie pour les femmes qui y recourent en situation de détresse. Mais elle oblige à avorter les religieuses qui, abusées par des prêtres, tombent enceintes, par crainte du scandale, encore et toujours…

Aujourd’hui, les femmes qui travaillent au Vatican représentent 19% du personnel de service. Martel relève qu’elles sont plus mal traitées que dans la bourgeoisie du 19e siècle. Pourtant, l’église prêche le respect, la miséricorde, l’amour du prochain…

Dans l’église comme dans la politique, le pouvoir rend fou, corrompt, coupe ses représentants de la réalité, les rend cyniques et inhumains. En plus, elle ne cesse de parler de «péché» et de «pardon», comme si les affaires d’abus sexuels sur des enfants et des religieuses pouvaient être blanchies, comme si l’on pouvait effacer d’un mot des siècles de crimes tolérés.

Avec le refus de la démission du cardinal Barbarin, le pape François a démontré que l’église catholique est incapable de se réformer.