Mission solidarité au Venezuela

Amérique latine • Une mission internationale de solidarité avec la révolution bolivarienne s’est concrétisée à Caracas du 12 au 15 avril. Compte-rendu d’un voyage à rebours des clichés médiatiques. (Par Natalie Benelliet et Amanda Ioset, Brigade Suiza-Venezuela)

Sous une tente nommée «esquina caliente», le «peuple organisé» se retrouve tous les jours depuis le coup d’Etat raté contre Chavez en 2002. (AIt)

Le 11 avril, nous arrivons, après de longues heures de vol, #à l’aéroport international de Maiquetía Simón Bolívar, situé à 14 kilomètres de la capitale du Venezuela. Les jeunes délégués du COSI (Comité de Solidarité internationale Venezuela) et de la Jeunesse communiste nous attendent pour nous amener en bus jusqu’à notre hôtel à Caracas. Sur le chemin, deux choses attirent notre attention. D’une part, les nombreuses petites maisons en briques colorées attachées aux collines entourant Caracas. D’autre part, les énormes bâtiments de la Misión Vivienda, le programme de logements sociaux du Venezuela, qui a déjà permis de construire et de donner à des familles pauvres 2,6 millions de logements. Un autre élément nous surprend: bien que des membres des forces armées nationales bolivariennes (FANB) soient présents à leurs postes autour de l’aéroport, nous n’observons pas l’état général d’alerte et de chaos auquel les médias européens nous avaient préparés.

Au fur et à mesure que nous approchons de la capitale, le trafic se fait plus dense. Dans les rues, les habitants de la ville se livrent à leurs activités quotidiennes. Depuis le bus, nous apercevons les petits magasins. L’offre n’est pas énorme, certains commerces semblent fermés. Mais les boulangeries vendent du pain, les boucheries de la viande, les stands des fruits, etc. Nous sommes conscients que le quotidien est rendu difficile par les sanctions économiques imposées au Venezuela, mais on est loin de la «crise humanitaire» dépeinte à l’internationale par la droite et l’extrême-droite vénézuéliennes.

Rencontre avec le Président Maduro

Le 12 avril, nous nous réunissons avec les autres délégués internationaux devant la statue du libertador Simón Bolívar, au centre de Caracas. Bolívar est le héros national vénézuélien qui s’est battu au 19e siècle pour une Amérique latine unie – La Patria Grande – et pour sa libération du joug colonial espagnol. Il n’a pas pu réaliser son rêve et les pays latino-américains continuent à se défendre contre la domination étrangère, aujourd’hui des États-Unis.

La lutte actuelle pour l’indépendance nationale et pour l’autodétermination du peuple vénézuélien est l’une des déclinaisons de la lutte des classes au Venezuela, à laquelle il faut ajouter le conflit classique entre capital et travail – l’économie vénézuélienne étant encore majoritairement capitaliste – et, dans les entreprises étatisées, la lutte entre l’ancienne culture capitaliste et la nouvelle vision socialiste. Contrairement à l’image promue à l’étranger, les classes populaires vénézuéliennes défendent leur révolution. Sur la Plaza Bolívar, elles s’organisent pour ne pas abandonner l’espace publique à la droite. Régulièrement, des représentations publiques et des discussions sont organisées. Sous une petite tente nommée «esquina caliente» – le «coin de rue chaud» – le «peuple organisé» se retrouve quotidiennement depuis le coup d’État raté contre Chavez en 2002.

En fin d’après-midi, sous une immense tente sur le Plaza Bicentenario près du Palacio de Miraflores (la résidence présidentielle), nous assistons à une rencontre du président Nicolás Maduro Moros avec les délégués de la Fédération mondiale de la jeunesse démocratique (FMJD) et du Conseil mondial de la paix (CMP). Des centaines de jeunes étudiants remplissent la tente de leur motivation,de leurs slogans combatifs. Le discours du président Maduro est anti-impérialiste, fier des acquis de la révolution bolivarienne, chaleureux envers ceux qui manifestent leur solidarité avec le Venezuela en ces heures difficiles. Il enflamme la salle: la jeunesse ne lâche pas sa révolution. Elle est consciente qu’elle a permis, en plus de libérer la population de l’analphabétisme, d’ouvrir les portes de l’université aux jeunes des classes populaires.

70 ans du Conseil mondial de la paix

65 organisations de 45 pays de tous les continents étaient présentes à l’acte officiel de la mission internationale de solidarité, le 13 avril. Elles y ont exprimé leur solidarité avec le peuple vénézuélien et leur rejet des attaques économiques et médiatiques des États-Unis et de leurs alliés. La délégation suisse a dénoncé en particulier les sanctions appliquées par le gouvernement helvétique, qui vont à l’encontre des principes de neutralité et de non-intervention dans les affaires internes d’un autre pays. A cause des sanctions, le Venezuela perd non seulement des millions de dollars quotidiennement, mais il est également empêché d’importer des médicaments, des aliments et d’autres biens, car les banques et les institutions financières, dominées par les USA, refusent d’effectuer les transferts monétaires du Venezuela. Le but de cette guerre économique est de rendre la vie quotidienne de la population si compliquée qu’elle finisse par se retourner contre son gouvernement.

Le sport contre la criminalité

La mission de solidarité coïncidait avec les 70 ans du Conseil mondial de la paix. La fondation du CMP en avril 1949 à Paris était une réponse à la création de l’OTAN, qui avait montré, quatre ans après la deuxième guerre mondiale, que les élites capitalistes se préparaient déjà à une autre guerre. Carolus Wimmer, président du COSI, a rappelé que le 11 avril dernier, le chef du Commandement Sud des États-Unis, l’amiral Craig Faller, avait annoncé que ses forces armées étaient prêtes pour une intervention militaire au Venezuela. Wimmer a souligné l’importance, étant donné la désinformation médiatique, de s’opposer clairement à la guerre contre le Venezuela et d’aider ainsi ce pays à garantir la paix.

Au matin du 14 avril, quelle surprise de pouvoir se procurer dans notre hôtel l’édition du dimanche de El Universal, un des principaux journaux de l’opposition vénézuélienne! La liberté de presse existe bien dans ce pays. La majorité des médias vénézuéliens appartient à des entreprises privées et le gouvernement n’a pas d’influence sur leurs contenus. Heureusement, il existe aussi une chose unique au monde, autre fruit de la révolution bolivarienne: au Venezuela, différentes lois créées depuis l’arrivée de Chavez ont permis la légalisation, l’attribution de fréquences et le soutien économique, de la part de l’État, à des médias communautaires, permettant de commencer à construire le «pouvoir populaire dans l’information» (ce sujet sera traité plus en détail dans un article ultérieur).

L’après-midi, nous visitons la Gran Base de Misiones de Paz Catia à Caracas (GBMP). Il s’agit de centres de quartier socio-culturels créés à l’initiative du «Mouvement pour la paix et la vie» (Movimiento por la paz y la vida), dont le but est d’offrir aux jeunes des quartiers touchés par la pauvreté une alternative à la petite criminalité. Bien que la pauvreté ait été fortement réduite grâce aux vingt ans de programmes sociaux du gouvernement, la criminalité et les «bandes» restent un problème répandu. Les sanctions internationales aggravent encore cette situation.

Le GBMP Catia est composé de cinq étages offrant toutes les installations sportives imaginables: box, escrime, basket-ball, tennis de table, fitness. Dans le réfectoire, 250 repas sont servis trois fois par jour pour les enfants du quartier. Lors de notre visite, des personnes âgées s’adonnent à des jeux de société. Nous passons également devant une salle d’accompagnement pour les femmes enceintes, un terrain de jeux pour les enfants, une salle de conférences… Mieux qu’en Suisse!

 

*La mission internationale était organisée par la Fédération mondiale de la jeunesse démocratique (FMJD) et le Conseil mondial de la paix (CMP). La délégation suisse était composée de quatre personnes représentant le Parti suisse du Travail, les Jeunes POP suisses, ALBA Suiza, l’Association Suisse-Cuba et le Mouvement suisse de la paix.

*Cet article constitue le premier d’une série sur le Venezuela qui sera publiée dans Gauchebdo au cours des prochaines semaines