«Seule la mobilisation de l’opinion publique peut désormais sauver Assange»

Soidarité • Depuis avril 2019, le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, est détenu dans la prison de haute sécurité de Belmarsh et risque l’extradition vers les Etats-Unis où il est accusé d’espionnage. Aymeric Monville, auteur du livre «Julian Assange en danger de mort» (éditions Delga) et membre de WikiJustice, dénonce une défense démissionnaire.

Ne tirez pas sur le messager, affiche une manifestation en faveur du journaliste et lanceur d’alertes Julian Assange. (DR)

Dans quelle situation se trouve actuellement Julian Assange? 

Aymeric Monville  La situation est compliquée. Il se trouve officiellement à Belmarsh, qui est en quelque sorte la Guantanamo britannique. Le 13 septembre dernier, il est passé, selon la juge Baraitser, du statut de «serving prisoner» à celui de «person facing extradition». Il est dans ce nouveau statut d’extradable, car sa peine de prison pour rupture de liberté conditionnelle a été réduite.

Ce qui est étrange, c’est que ses avocats n’ont pas profité de son nouveau statut pour faire une demande de libération, ce qui a même suscité un commentaire ironique de la juge. Ils n’ont pas non plus attaqué le fait que le mari de la juge Arbuthnot travaille avec un ancien dirigeant des services secrets britanniques, ni entrepris de le faire libérer pour raisons de santé.

Ce que je dénonce aussi dans mon livre, c’est qu’il y a un scandale dans le scandale. Le premier scandale, c’est que l’État de droit est totalement mis à mal dans cette affaire. Le deuxième, c’est que la défense d’Assange est démissionnaire. Seule la mobilisation de l’opinion publique peut désormais le sauver.

Comment expliquer cela? 

Je l’explique par la proximité de ses avocats avec la «fausse gauche». Il faut comprendre qu’Assange est un militant anti-guerre, qui est allé jusqu’au bout de sa logique. Il s’est attaqué à l’aile droite de l’impérialisme, mais aussi à son aile gauche, incarnée aux Etats-Unis par Hillary Clinton.

Des personnes clés dans la défense d’Assange, comme Renata Avila, dirigent des ONG financées par des fondations proches du département d’Etat américain comme la NED (National Endowment for Democracy) ou encore de l’Open Society. Ses avocats devraient être beaucoup plus frontaux dans la défense juridique.

N’oublions pas que depuis 2016, l’ONU demande sa libération, son indemnisation et sa conduite en lieu sûr! Il faut exiger sa libération immédiate et la poursuite en justice de ceux qui ont permis son incarcération.

Vous pensez que la Grande-Bretagne va essayer de l’extrader avant le Brexit du 31 octobre… 

Il y a eu une audience surprise le 20 septembre à laquelle ni Assange ni ses avocats n’étaient présents. Un membre de WikiJustice se trouvait à  Londres, s’y est rendu, et a pu constater qu’Assange était bien sur une liste de personnes extradables vers les États-Unis.

Une audience importante aura lieu le 21 octobre en présence d’Assange. Il est probable que ces audiences servent à l’extrader avant le Brexit, dans un cadre européen qui est déjà déterminé légalement.

WikiJustice est une organisation française. Comment se fait-il que la mobilisation soit particulièrement présente en France? 

D’une part, Julian Assange est marié à une Française et a un enfant français. Le fait qu’il n’ait pas eu droit à l’asile politique en France est une source d’indignation. Nous en avons assez de voir nos dirigeants humilier notre pays devant les États-Unis.

D’un autre côté, en France, il y a en ce moment une véritable insurrection populaire. Le système est bloqué, il y a une perte de confiance dans le gouvernement, tout cela dans un contexte de fascisation, de répression contre les syndicalistes depuis la loi travail, contre les gilets jaunes aujourd’hui.

Beaucoup de gens, dont WikiJustice, veulent un contrôle civique de cette parodie de justice qui s’étend en Europe. Il y a un contraste entre la solitude extrême dans laquelle se trouve aujourd’hui Julian Assange et l’universalité de la cause qu’il représente. Ce sont les peuples qui sont emprisonnés avec lui, ce sont nos libertés qui sont bafouées.

Comment se fait-il que l’on parle si peu de cette affaire dans les médias? 

C’est un autre scandale dans le scandale! Les médias ont fini par lui cracher dessus alors qu’ils avaient naguère passé des accords avec WikiLeaks pour publier certaines choses.

En France, pour prendre un exemple parlant, Le Monde n’a pas consacré d’article à Assange dans son édition écrite depuis le 13 avril, soit deux jours après qu’il eut été kidnappé à l’ambassade de l’Équateur à Londres. Ce silence des journalistes est d’autant plus dérangeant qu’Assange est l’un, voire le premier, des leurs.

Avec WikiLeaks, il a fait un remarquable travail journalistique, c’est-à-dire qu’il a édité des révélations qui lui ont été faites par d’autres et il a protégé ses sources. Pratique d’ailleurs sanctifiée en théorie par le premier amendement de la Constitution des USA…

Que peuvent faire ceux qui veulent s’engager pour sa libération? 

Se renseigner sur l’affaire, se mobiliser, exercer un droit de regard critique sur la défense. Voire aller à Londres! Il faut aussi lui écrire. En ce moment, nous en sommes au point de demander des preuves de vie. Il faut protester devant l’ambassade britannique dans votre pays, exiger une intervention de l’ONU et interpeller nos dirigeants.

Adresse pour écrire à Julian Assange:

Julian Paul Assange
A9379AY DOB: 3/07/1971
HMP Belmarsh
Western Way
London SE28 0EB