Vers un droit de vote rajeuni?

Nauchâtel • Le 9 février prochain, le canton se prononcera sur la possibilité de voter sur demande dès 16 ans. Soutenue par le PS et les Vert’libéraux, l’initiative laisse le POP dubitatif. L’avis de la présidente des jeunes POP neuchâtelois.

Pour les initiants et leurs soutiens (dont l’exécutif et le législatif cantonaux), cette initiative permettra de mettre fin à «l’incohérence» qui veut qu’on ait le droit dès seize ans d’avoir des rapports sexuels (et donc de se reproduire), de consommer de l’alcool, de conduire certains véhicules et même de payer des cotisations sociales, mais que venu le moment de donner son avis, on serait trop immatures pour compter.

De plus, selon eux cela permettra d’intéresser les «jeunes» à la politique, en rendant simultanée l’éducation civique et son exercice pratique, le jet de bulletin dans l’urne. Enfin, l’initiative renforcerait «le contrat intergénérationnel» en «contrebalançant légèrement» le vieillissement de la population. Il faut dire que le contrepoids serait un poids plume, de l’aveu même des initiants, puisque les 16-17 ans du canton représentent moins de 3 % du corps électoral.

Pour l’extrême-droite, l’incohérence viendrait de la proposition, émise par une gauche «traditionnelle» et «en quête d’électeurs». Pour l’UDC, par la voix de son journal partisan, bien que l’on soit en droit de conduire un scooter à 16 ans, on n’est pas en droit de l’acheter sans responsable légal, puisque nous ne sommes alors pas légalement autorisés de signer un contrat. Le parti invoque également la sensibilité à «l’influence du cercle scolaire» et de ses professeurs «à très grande majorité de gauche».

Du côté du PLR, l’ouverture de ce nouveau droit ne séduit pas non plus. Ainsi le député au Grand Conseil, Patrice Zürcher, interrogé par Le Courrier, déclare: «la question de la mobilisation ne se réglera pas en agrandissant l’assiette électorale. Au lieu d’abaisser l’âge du droit de vote, il faut trouver des stratégies pour intéresser les majeurs à la politique».

La gauche (de la gauche) pour sa part n’a que peu pris position jusqu’à présent sur cette initiative. Seule s’est fait entendre récemment la voix du président du POP, Daniel Ziegler. «[A]baisser l’âge du vote est la porte ouverte à l’abaissement de la majorité civile», a-t-il confié à Arcinfo. Or, cette majorité assure une protection particulière aux jeunes dans le monde du travail et face à la justice. Protection dont il craint l’érosion en cas d’adoption du droit de vote à 16 ans, une disposition qui n’existe que dans le canton de Glaris. Pour en savoir plus, nous avons interrogé la Présidente des jeunes POP neuchâteloi.se.s, Camille Vuillème.

De manière générale, êtes-vous favorable à l’ouverture du droit de vote dès 16 ans et pour quelles raisons ?

Camille Vuillème Au sein des Jeunes POP, les avis sont plutôt partagés et dans tous les cas nous n’en faisons pas un cheval de bataille. Pour cette initiative en particulier, nous sommes plutôt contre car il s’agit d’un droit de vote sur demande, ce qui est à notre sens plutôt antidémocratique et creuse davantage l’inégalité de l’accès aux urnes.

Selon les initiants, cela permettrait d’éviter une «incohérence» vis-à-vis d’autres droits et devoirs acquis au même âge, tels que les impôts, la conduite de certains véhicules ou la majorité sexuelle. Qu’en pensez-vous ?

Cet argument me paraît quelque peu farfelu. En effet, nous acquérons des droits tout au long de notre vie. Ainsi nous pouvons passer le permis de vélomoteur à 14 ans et payons des impôts suivant nos revenus. En Suisse, les mineurs ont le droit de travailler dès 15 ans et avant 21 ans, on ne peut passer le permis de grosse cylindrée… mais je ne vois pas le lien fondamental entre le droit de vote et ces différents droits.
Mais il est intéressant de constater que l’on considérer comme normal que de nombreux jeunes doivent travailler plus de 40h par semaine ou de les laisser sans aide lorsqu’ils ne trouvent pas de solutions de formation. Par contre, on les estime immatures pour donner leur avis.

Pensez-vous que l’éducation civique dispensée actuellement dans le canton permette un accès éclairé au processus démocratique et au droit de vote en particulier?

Nous avons des cours d’éducation civique et apprenons le fonctionnement de nos institutions. Mais la politique ne s’arrête pas là et si les individus votaient réellement en fonction de leurs intérêts, il y aurait une meilleure répartition des richesses, du temps de travail, etc. Pour avoir un accès éclairé au processus démocratique, il faudrait aborder des notions telles que la lutte des classes, mais ce n’est pas le cas.

Toujours selon les initiants, cela contribuerait à intéresser les jeunes à la chose publique. Est-ce le cas selon vous?

Je ne sais pas. Ce qui est sûr c’est que les campagnes qui mobilisent les jeunes POP sont rarement en lien direct avec des votations. Je prendrais le problème dans l’autre sens. Est-ce que le politique se soucie des problèmes des jeunes? Le Canton de Neuchâtel coupe sans cesse dans l’éducation, des mesures qui touchent particulièrement les jeunes. D’autre part, dans ce cas précis, le fait que ce soit sur demande ne fait-il pas que ce seront seulement les jeunes déjà intéressés qui feront la démarche? Et j’ajouterais que, au vu du pourcentage d’abstention à chaque votation et élection, on peut douter que le fait d’avoir le droit de vote suffise à intéresser les gens à la politique.

Voyez-vous des alternatives à la diminution de l’âge d’accès au vote pour accroître l’intérêt des plus jeunes envers la pratique politique ?

Je trouve que l’accès aux urnes n’est qu’une infime partie de la politique. Je suis convaincue que nous avons beaucoup plus d’impact en manifestant, par exemple pour le climat, qu’en proposant une votation sur le sujet. A mon sens, le fait de manifester, de s’interroger est bien plus important pour accroître l’intérêt des plus jeunes envers la pratique politique.