Apprentissage: oser prendre la parole

Neuchâtel • A l’occasion de l’action bénévole 72 heures, les Jeunes POP ont interrogé des apprentis et anciens apprentis sur les difficultés rencontrées sur leurs lieux de travail et de formation avant CFC.

« J’étais quelqu’un de relativement calme, aujourd’hui je suis quelqu’un de très nerveux, de très anxieux […] je sentais que je commençais à avoir des montées de stress que je n’avais jamais eues avant».

Les témoignages de ces trois apprentis neuchâtelois révèlent une réalité difficile et peu connue de l’apprentissage – celle où être considéré comme quelqu’un d’inférieur, répondre favorablement à toute demande de son employeur ou démontrer sa capacité à «tenir le coup» deviennent des compétences de base.

Elles/ils apprennent ainsi un élément indispensable au bon fonctionnement du marché du travail: la peur. La peur de ne pas trouver de place, de ne pas être assez bon, de ne pas «rentrer dans le moule». Former des apprenti.e.s dans la peur est une excellente manière de former des travailleurs-euses dociles.

Apprentissage… de la solitude

«Malgré que je sois un employé de l’entreprise, ils ne me considéraient pas comme un collègue, ils me voyaient juste comme «l’apprenti». […] mon expérience définissait le respect qui m’était dû». L’apprentissage, c’est aussi expérimenter l’exclusion et l’infantilisation de la part d’adultes pleinement conscients de leurs actes.

Cette situation devient encore plus problématique lorsqu’une difficulté se présente, et qu’il n’y a pas de personne de confiance pour en parler. La charge scolaire, en plus de celle du travail, peut également se faire sentir: «Au bout de sept mois j’ai dû arrêter [mon apprentissage] car j’avais accumulé des lacunes. Je ne me sentais pas correctement encadré par mon prof. J’étais la moitié de la semaine au travail, la moitié à l’école, donc je devais rattraper mon retard sur les autres. J’aurais dû rattraper ce retard au travail, […] mais je passais mon temps à courir dans tous les sens pour régler des petits problèmes».

Tant au travail qu’à l’école, les apprenti.e.s sont ainsi régulièrement livré.e.s à elles/eux-mêmes – et à l’exploitation.

Apprentissage… de la fatalité

Toutes ces problématiques génèrent un sentiment d’impuissance qui n’est souvent pas conscientisé. Dans cette situation, il est aisé de se dire que le monde est ainsi et qu’il faut s’adapter. On accepte la compétition en classe, on apprend à se défendre comme on peut sur son lieu de travail, même si cela ne change pas réellement les conditions dans lesquelles l’on travaille et l’on étudie – on fait ce que l’on peut pour s’en sortir, et c’est déjà beaucoup.

Même lorsque l’on souhaite agir, le défaitisme s’installe devant l’ampleur de la tâche: il y a trop à faire, il n’y aura pas de résultat.

Pour un apprentissage respectueux et enrichissant

Afin d’améliorer les conditions de formation, certaines mesures doivent être urgemment instaurées. Entre autres: un meilleur suivi du parcours scolaire et en emploi avec des possibilités de soutien, un contrôle de l’horaire de travail et des tâches effectuées avec des sanctions pour les entreprises qui ne respectent pas leurs engagements, une personne de confiance disponible en cas de problèmes.

Unia a récemment réalisé un sondage sur le harcèlement lors de l’apprentissage, il en ressort que 70% des apprenti.e.s ont déjà vécu de telles situations. Le syndicat veut mettre en lumière ces cas et mène une campagne à ce sujet. Les conséquences néfastes de l’apprentissage sont souvent oubliées car l’on ne donne pas la parole à celles et ceux qui les subissent.

Il est de notre responsabilité à tout.e.s de mettre en place un système de formation où les apprenti.e.s puissent prendre la parole et agir pour leurs droits. Il n’est pas normal de se sentir seul, impuissant ou isolé à 16 ans sur son lieu de travail, il est temps d’en parler et d’initier le changement. A cette fin, les Jeunes POP vont continuer de donner la parole aux apprenti-e-s et aux jeunes travailleuses-eurs en créant d’autres épisodes de ce podcast.

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Pour écouter le podcast: https://soundcloud.com/user611777414/projet-72h-2020