Nelly Wicky n’est plus des nôtres

Hommage • Nelly Rosset-Wicky, ancienne conseillère municipale, députée et conseillère nationale genevoise, nous a quittés il y a quelques jours.

Nelly Wicky, une féministe engagée qui a lutté pour la dépénalisation de l’avortement. (VO)

Née en 1923, Nelly était le second enfant de Robert et d’Hélène Rosset. Elle admirait son papa, employé CFF et socialiste convaincu. Parmi les jeunes gens qui fréquentaient les Rosset, il y avait Robert Wicky, apprenti ferblantier, Nelly étant alors aux Études pédagogiques. Robert Rosset resta social-démocrate après la scission du parti socialiste en 1939, mais le «nicoliste» Robert Wicky fut parmi les fondateurs du Parti du Travail en 1944.

Nommée à l’instruction publique en 1946, Nelly enseigna pendant une trentaine d’années à l’école primaire dans des quartiers ouvriers du canton de Genève. Comme son caractère aimable lui facilitait de bons contacts avec les parents de ses élèves, elle connaissait bien les conditions de vie de famille à revenu modeste, ce qui l’aidait ensuite à faire des interventions bien ciblées au Conseil municipal de Genève.

De plus elle a siégé comme députée 1963, pendant 30 ans depuis 1963. Les activités professionnelles et politiques soutenues de Nelly Wicky ne furent pas entravées par la naissance de ses deux fils. En 1971, juste après l’introduction du droit de vote et d’éligibilité des femmes, Nelly fut brillamment élue au Conseil national, même mieux que ses colistiers, Jean Vincent et Roger Dafflon. Au National, elle rencontra les socialistes zurichoises Hedi Lang et Liliane Uchtenhagen fraîchement élues, ainsi que la jeune Valaisanne Gabrielle Nanchen. Les quatre femmes intervenaient régulièrement en faveur de l’instauration d’une assurance sociale pour la protection de la maternité et la dépénalisation de l’avortement.

Ce bel élan fut interrompu en 1975, quand Nelly Wicky manqua sa réélection. Elle supposait que les électeurs l’avaient biffée pour éviter un échec à Roger Dafflon ou à Jean Vincent. Alors que le parti socialiste continuait à renouveler régulièrement sa présence féminine au Parlement fédéral, le Parti du Travail restait isolé dans sa tour d’ivoire masculine. Il fallut ainsi attendre presque 20 ans pour voir Christiane Jacquet accéder au Conseil national.

Rechercher des alliées

Après cette défaite, Nelly se consacra à lutte extra-parlementaire et syndicale. Dotée d’une bonne qualité d’écoute, sachant aplanir les divergences sans perdre de vue le but, elle savait guider sans s’imposer. Autour d’elle pouvaient se rassembler les jeunes féministes actives dans des groupes fort hétérogènes, que ce soient des femmes proches des partis de la gauche traditionnelle comme le PST ou le PS, ou des femmes trotskystes, maoïstes ou anarchistes, voire des militantes lesbiennes. A travers leur action commune, les militantes découvrirent que l’on peut travailler avec la gauche organisée sans se faire instrumentaliser. Celles qui se réclamaient de la gauche apprenaient qu’au lieu de snober les féministes dites bourgeoises, il valait mieux en faire des alliées dans une lutte pour des objectifs communs.

Soutenue à l’intérieur de son parti par Marianne Schlechten, Eugénie Chiostergi et Anne-Catherine Menétrey, Nelly Wicky s’efforça de familiariser ses camarades hommes aux problèmes féminins, osant même revendiquer un espace institutionnel de débat et d’échanges non mixte pour les femmes. Suite au décès accidentel de son mari en 1983, Nelly dut apprendre à vivre «seule». Elle se tenait cependant toujours à disposition de proches, de camarades et d’amies. Bien entourée elle-même, elle dénonça l’ostracisme dont sont victimes d’autres personnes âgées. Elle ne se lassait pas de répéter qu’il faut organiser la relève, convaincre les jeunes à s’engager pour consolider les acquis et relever les nouveaux défis.