Chômage: des chiffres sujets à caution

Neuchâtel • Malgré la baisse annoncée du taux de chômage, la réalité cantonale du marché de l’emploi apparaît fragilisée notamment face aux restructurations en cours et à une conjoncture économique mondiale impactant la branche horlogère

Dans les pages du journal Arcinfo, le chef du département de l’économie, Monsieur JeanNathaël Karakash, précisait que Neuchâtel avait cédé sa dernière place du classement des cantons au plus haut taux de chômage. Désormais, Neuchâtel peut se targuer d’un taux de chômage moyen de 3.7%, contre 2.3% au niveau national (1).

Si la tendance est correcte, n’oublions pas que les chiffres du chômage sont sujets, quant à eux, à caution. Pour rappel, le calcul du taux de chômage le plus correct se base sur les chiffres de l’Office fédéral de la statistique (OFS) et du Bureau international du travail (BIT). Ceux-ci regroupent toutes les personnes qui sont sans emploi depuis plus d’une semaine et qui en recherchent activement un. Or, les chiffres du Secrétariat à l’économie (SECO) excluent nombre de personnes, notamment ceux qui n’ont pu ouvrir un délai-cadre d’indemnisation ou qui sont arrivés à la fin de celui-ci.

Ainsi, plusieurs milliers de personnes en recherche d’emploi, indépendantes, en fin de droits, franchisées, souvent temporaires n’apparaissent plus sur les signaux radars. Le taux de chômage SECO ne reflète qu’une partie seulement de la réalité, renforçant par là même le sentiment d’atomisation et d’isolement des chômeurs tout en rassurant la place financière.

L’horlogerie, marqueur identitaire

Reste que le taux de chômage neuchâtelois a bel et bien diminué ces dernières années. Toutefois, cette annonce intervient quelques jours avant des informations plus qu’inquiétantes sur l’évolution économique du canton. Ainsi, la Société Philippe Morris annonce 265 suppressions de postes sur ses sites des cantons de Vaud et de Neuchâtel. La marque horlogère Tag Heuer délocalisera, elle, une soixantaine de postes.
Tourné principalement vers l’exportation, Neuchâtel est particulièrement sensible à la conjoncture mondiale. De plus, le franc fort, l’émergence de concurrents internationaux et d’une clientèle friande de nouvelles technologies risquent d’impacter durablement le secteur horloger, du moins certaines gammes de prix. Véritable marqueur identitaire, ce secteur avait, par le passé, bénéficié d’interventions massives de la Berne fédérale (cartel horloger, «swiss made», arrêté Bonny…) et de certains milieux privés, notamment bancaires.

A l’heure actuelle, l’interventionnisme public ne semble plus être à l’ordre du jour, malgré les risques importants sur le marché de l’emploi, caractérisé dans certaines régions par une majorité d’emplois frontaliers. L’obligation d’annonce de places vacantes est encore abstraite et si facilement contournable. Enfin, après sa séance du budget, le canton de Neuchâtel s’est empressé de réduire les offres aux chômeurs, en fermant ou limitant les moyens à diverses institutions (le CEFNA, TOR ou le SEMO)(2).

Interventionnisme en berne

En conclusion, la satisfaction explicite sur l’évolution du taux de chômage neuchâtelois n’est pas un hasard du calendrier. Il fallait qu’elle existe avant un changement profond – peut-être ontologique – de la situation. Pourtant, par une politique interventionniste s’appuyant sur des taux d’intérêt historiquement bas, Neuchâtel aurait pu libérer des moyens colossaux pour accélérer la transition énergétique ou transformer radicalement sa structure industrielle et ses fins.

Gageons que chacune et chacun puissent trouver sa place et ce en toute dignité. N’oublions pas que les chiffres du chômage sont toujours sujets à caution, Derrière ceux-ci, il y a des humains.

1 Etat au 31 décembre 2019. Pour les centres urbains, que sont Neuchâtel, La Chaux-de-Fonds et Le Locle, ce taux se situe entre 4.2% et 4.5%.

2 «Centre de Formation neuchâtelois pour Adulte», «Téléobjectif réussir» et le «Semestre de motivation». Il est à noter également que les normes d’aide sociale neuchâteloise sont parmi les plus basses de Suisse.