L’impôt corona s’invitera au débat

Neuchâtel • Le parlement débattra de plusieurs propositions de la gauche pour rétablir une fiscalité plus égalitaire.

Afin de refinancer l’Etat et de mieux répartir les richesses, différents projets de loi de la gauche ont ainsi été déposés en commission fiscalité. (Quorbach)

La période dite (relativement) «égalitaire», qui caractérisa les sociétés occidentales de l’après-guerre, fut marquée par une forte progressivité fiscale. A partir de 1980, celle-ci céda sa place aux «Accords de Washington» et à la «Révolution conservatrice» (1). L’abaissement sans précédent de la progressivité de la fiscalité, qui s’en suivit, eut pour conséquence une augmentation drastique des inégalités.

Dans ce contexte international néo- libéral, l’Etat de Neuchâtel a joué les bons, voire les très bons élèves. Ainsi, l’impôt a fondu comme neige au soleil, notamment pour les personnes morales et les personnes physiques aisées. En 2000, la droite au pouvoir réduit de 60% la valeur fiscale des actions non cotées en bourse, supprime la taxe foncière et abaisse, deux ans plus tard, la fiscalité sur les successions. Les députés POPEcoSol dénonçaient alors un retour à une époque antérieure à la Révolution française.

L’impôt sur le bénéfice des entreprises passe, quant à lui, d’environ 30% à 20% (parts communal et cantonal cumulés). Le processus est enclenché. De 2012 à 2016, l’impôt sur le bénéfice des personnes morales se réduit encore, passant progressivement de 20% à 10%. Les politiques applaudissent; la presse exulte; la population reste dans l’expectative. Malgré une conjoncture exceptionnelle et des accords bilatéraux avec quelques sociétés, favorisant l’entrée de capitaux à court terme, des millions, voire des dizaines de millions de recettes échappent ainsi à l’Etat. A titre d’exemple, entre le budget et les comptes 2019, 43 millions de recettes fis- cales sur les entreprises sont perdues.

Coussin fédéral

Anticipant la Réforme fiscale et le financement de l’AVS (RFFA), Neuchâtel modifie à nouveau sa Loi sur les Contributions directes. Au 1er janvier 2020, l’impôt sur le bénéfice passent à 7.2%. Parallèlement à ces diminutions, l’Etat maintient sa politique d’allégement fiscal, couvrant des périodes de 10 ans (2), légalement sans contrepartie. Les caisses de l’Etat se vident, même si un coussin fédéral, résultant de la péréquation intercantonale, amortit la chute.

L’illusion aurait pu durer quelques temps, quelques années. Et puis soudain: une pandémie. Certains patrons se découvrent prolétaires; la presse demande l’aumône; tous se rappellent au bon souvenir des services publics et des hôpitaux, que d’autres avaient tenté de concentrer. La main invisible du marché fait place à la main visible de l’Etat.

Afin de refinancer l’Etat et de mieux répartir les richesses, différents projets de loi de la gauche ont ainsi été déposés en commission fiscalité, notamment sur une imposition «Corona», nécessaire à la solidarité. Opposé en 2016, le parti socialiste a repris le projet de loi Daniel Ziegler (POP) pour un barème plus progressif – même si limité dans le temps – sur les grosses fortunes, qui ont vu leur nombre et leurs avoirs exploser ces dernières années. Les députés POPVertSol, par le biais de Laurent Debrot, ont déposé un projet de loi pour rééquilibrer l’imposition des bénéfices sur les entreprises, ridiculement bas. Cet impôt a par ailleurs l’avantage de ne pas mettre à contribution les entreprises qui connaissent des difficultés. Reste qu’après avoir «dévissés», les marchés boursiers (3) sont en hausse constantes, retrouvant des taux supérieurs à ceux de 2018.

Bref, la progressivité de la fiscalité constitue plus que jamais un enjeu crucial en matière d’égalité sociale.

1 Thomas Piketty, Capital et Idéologie, Seuil, Paris, pp. 49-50.

2 Art. 82 de la Loi neuchâteloise sur les Contributions directes (LCdir).

3 SMI (Swiss market index).

 

Lutte contre le surendettement: impôt à la source

L’impôt à la source est l’un des leviers fondamentaux pour la lutte contre le surendettement. Celui-ci a de nombreux avantages. Il permet pour les collectivités publiques de bénéficier d’une trésorerie immédiate et de limiter le nombre de créances non payées, mais aussi et surtout pour les citoyens et citoyennes de bénéficier d’un revenu net (les tranches fiscales globales pour Neuchâtel étant de plus étalés sur 12 mois et non plus sur 10).

Certaines villes, notamment Le Locle, ont déjà mis en place un impôt à la source volontaire (introduit en 2012) pour leur population. Dans cette continuité, le groupe POPVertSol neuchâtelois a ainsi déposé un amendement demandant l’introduction d’un impôt à la source volontaire (en raison de la conformité avec le droit fédéral), notamment dans le cadre de la lutte contre le surendettement. (CDz)