Les femmes sont les premières victimes du confinement

La chronique féministe • Dès qu’on parla de travail partiel, il devint évident qu’il toucherait davantage les femmes que les hommes.

La semaine dernière, j’ai tenté de dresser un bilan du confinement, qui a duré trois mois. A la fin des 6500 caractères, j’avais à peine parlé des femmes. Alors, je me suis dit que j’allais leur consacrer une chronique entière. Au fil des jours, j’avais porté une attention particulière à leur sort.

Dès qu’on parla de travail partiel, il devint évident qu’il toucherait davantage les femmes que les hommes. Certaines ont d’ailleurs pris un congé non payé, afin de s’occuper de leur foyer. Mais la plupart des cheffes de familles monoparentales ne pouvaient pas se le permettre financièrement.
Les mères durent se mettre à Internet, afin d’aider leurs enfants à suivre les cours et à faire leurs devoirs. Il fallut paradoxalement gérer leur exposition aux écrans, parce qu’ils avaient tendance à abuser des jeux et des interminables discussions par WhatsApp, Skype ou autre- Hangouts. Cela en plus des courses, repas, vaisselles, lessives, etc. En-dessous de 8-9 ans, les enfants demandent une présence soutenue, difficile alors d’associer télétravail et garde. On peut supposer que les maris et pères ont donné un coup de main, voire pris leur part. Mais l’essentiel de la charge reposait sur les femmes. Elles firent preuve de trésors de créativité pour occuper leurs enfants, afin qu’ils ne deviennent pas enragés. Elles tremblèrent au moindre éternuement d’un des leurs, tentèrent de rassurer, de consoler.

Partout, les gens se sont mis à ranger, vider les armoires, trier, remplir des sacs de vêtements à donner, jeter toutes ces choses inutiles qu’on garde, dans l’espoir qu’un jour, peut-être, elles serviront. Dans les déchetteries, on enleva les bennes des objets encombrants, ce qui fait qu’on en a retrouvé un peu partout. Comme si l’on ne pouvait pas conserver encore quelques semaines ce qui encombrait les rayons depuis des années!

Certain.e.s retrouvèrent le goût de la lecture, les femmes quand elles en avaient le temps. On a maintenu les liens familiaux et amicaux en se téléphonant, en s’appelant par Skype, en s’envoyant des courriels, des SMS. Ce sont surtout les femmes qui ont à cœur de maintenir les contacts.
Celles qui étaient enceintes eurent peur que le virus n’atteigne leur bébé. Le suivi des grossesses, les accouchements furent plus compliqués. On les renvoyait à la maison aussi rapidement que possible. Parallèlement, les avortements furent aussi plus difficiles.

A l’intérieur des appartements, hélas, les violences conjugales augmentèrent de 30%. Pour les femmes battues, et les enfants maltraités, il était encore plus ardu que d’habitude de chercher de l’aide. Le foyer est un lieu dangereux, les contes nous le disent depuis des millénaires: Cendrillon, Le Petit Poucet, Peau d’Ane, Blanche-Neige…

Les femmes furent en première ligne contre la pandémie. Personnel de santé à 82% féminin, pharmaciennes, caissières, nettoyeuses, aides à domicile, vendeuses. Des héroïnes, souvent mal payées, 600 fr. de moins que les hommes. Dans les hôpitaux, s’affairaient des infirmières jusqu’à 15 heures par jour, 7 jours sur 7, pour soigner les malades du Covid-19. Au début, sans masques, se bricolant des surblouses, puisque tout manquait, jusqu’aux tests. Covid-19 a mis en évidence les faiblesses du système de santé suisse, souligne l’ASI (Association suisse des infirmières et infirmiers). «Nos professionnel.le.s paient la facture d’années de fiasco politique», dénonce sa présidente, Sophie Ley. Les infirmiers demandent une augmentation du personnel et une offensive massive en matière de formation. La Suisse ne forme même pas la moitié du personnel infirmier dont elle a besoin. Cela témoigne «d’un égoïsme indéfendable vis-à-vis des pays dont nous ponctionnons la main-d’œuvre». Une telle situation entraîne par ailleurs une dépendance envers l’étranger. «La Suisse aurait été vouée à la catastrophe si nos collègues frontaliers avaient été réquisitionnés par nos pays voisins pour leur propre système de soins». L’impréparation des Etats occidentaux fut et restera le plus grand scandale de la pandémie, les pays asiatiques ayant tiré des leçons des contaminations précédentes.

A cause de la pandémie, au niveau mondial, 47 millions de femmes n’auront pas accès à la contraception et à l’avortement, il y aura 7 millions de grossesses non désirées, + 30 à 45 millions de violences conjugales, + 2 millions de mutilations génitales, + 13 millions de mariages précoces. 56’700 femmes pourraient succomber, en raison d’une baisse des soins avant et après l’accouchement, en plus des 144’000 qui meurent à l’heure actuelle. 1,2 million d’enfants de moins de 5 ans vivant dans 118 pays pourraient mourir en six mois. Ce bilan annihilerait «des décennies de progrès dans la réduction des morts évitables chez les enfants et les mères», déplore la directrice de l’Unicef, Henrietta Fore.

Parmi les personnes qui font la queue pendant des heures pour obtenir un sac de nourriture de base, il y a une grande majorité de femmes, dont les nounous et femmes de ménage qui furent congédiées sans revenu d’un jour à l’autre.
En revanche, parmi les expert.e.s invité.e.s dans les médias, plus présent.e.s que les politiques pendant le confinement, il y avait une majorité d’hommes, se prenant souvent pour des dieux, comme le Dr Didier Raoult, de Marseille. Mais les femmes ne sont que 2 sur 14 dans la plate- forme d’échanges «Point de Contact Société Civile», mise sur pied pour gérer la crise. Et seulement 4 sur 11 à l’OFSP (Office fédéral de la santé publique). C’est injuste et illogique dans un domaine qui concerne en premier lieu les femmes, en tant que mères et soignantes.

Nous avons applaudi* tous les soirs ceux et celles (surtout celles) qui ont tenu la société à bout de bras durant les 3 mois du confinement. Il faudra concrétiser cette reconnaissance par des actes, dont une revalorisation de leurs salaires.

Au moment de son départ du Conseil administratif de la Ville de Genève, après 12 ans, Genève a salué Sandrine Salerno, sa gestion rigoureuse des finances. Elle a été 3 fois maire, a créé Agenda 21, promouvant le développement durable, l’égalité femmes-hommes, avec des propositions novatrices, comme la féminisation de panneaux de signalisation, qui a fait le tour du monde. Des femmes remplacent en 6 versions la silhouette masculine. En marche! semblent- elles dire, comme la Grève féministe, en marche vers une société plus égalitaire.

* Deux mains qui applaudissent sur un balcon est la photo de couverture retenue pour le livre «Grains de sable, témoignages du confinement» qui va sortir fin juin aux Ed. des Sables.