Un scrutin contrasté pour la gauche

Neuchâtel • Le canton enregistre une progression des Verts et Vert libéraux, alors que le POP perd des sièges dans les législatifs des villes, tout en maintenant ses sortants dans les exécutifs.(Par Julien Gressot)

Un paysage en clair-obscur avec une vague verte qui n’est pas nécessairement synonyme de renforcement de la gauche. (POP Neuchâtel)

Initialement prévues en juin, elles ont été repoussées en octobre avec une fin de campagne fortement impactée par la Covid. Une aventure pour le POP qui aura duré plus d’une année. En effet, les travaux préparatoires sur le programme de la formation ont débuté en avril 2019. Un travail de fond important et fort utile pour les années à venir.

Une campagne humainement et émotionnellement riche. Et au dénouement interminable avec des résultats arrivant après 18h le lundi. Du jamais vu! Des élections survenant à un moment crucial de l’histoire de l’humanité où des décisions non moins cruciales doivent être prises, mais marquées par une faible participation (autour des 30%). Voici un scrutin à analyser en détail. Pour chercher à en tirer des enseignements.

Nouvelle vague verte

Commençons par un constat désormais incontournable et réjouissant. Les enjeux écologiques sont plus que jamais au coeur des préoccupations des votantes et des votants. La progression des Verts et des Verts libéraux dans la plupart des communes du canton ne s’explique pas autrement. Les Verts n’ont que peu fait campagne. Ils n’avaient pas de véritable programme car, selon leur président cantonal, «tout le monde le connaît». Et ont donc pu surfer sur cette vague. Premier constat donc, la poussée verte, bien servie par les médias locaux, est toujours présente avec 39 sièges supplémentaires (+34 pour les Verts) sur le canton. Contrairement aux élections fédérales, le POP n’a cette fois-ci pas pu en bénéficier (-4, désormais à 23 sièges). Ceci malgré son programme très vert et de nombreuses mesures environnementales proposées durant la législature comme l’instauration «d’un plan climat ambitieux» à La Chaux-de-Fonds.

Vers un remplacement du PS et du PLR?

Second constat, cette évolution se fait au détriment des partis traditionnels. Avec des revers importants pour le Parti socialiste et dans une moindre mesure du PLR. A Neuchâtel, le PS perd un siège à l’exécutif (Anne-Françoise Loup) au profit des Verts libéraux (Mauro Moruzzi), faisant passer l’exécutif à droite. C’est une première depuis 28 ans (2 PLR, 1 VL, 1 PS, 1 Verts), malgré des suffrages supérieurs de la gauche (54,8%), ce qui s’explique par l’abandon du système des apparentements.

A La Chaux-de-Fonds, la sortante socialiste Katia Babey perd son siège au profit du retraité Vert Patrick Herrmann. Dans les deux villes, le PS cède trois sièges au législatif marquant un véritable recul. C’est également la fin d’une prédominance, trop souvent sans partage, de plus d’un siècle à La Chaux-de-Fonds, où le parti à la rose recule au troisième rang derrière les Verts et le PLR. Un regret toutefois, la vague verte n’est guère féministe. Ainsi les deux élues socialistes à l’exécutif sont remplacées par deux hommes avec comme conséquence dommageable un Conseil communal entièrement masculin à La Chaux-de-Fonds.

Le PLR est également en recul dans plusieurs de ses bastions, même s’il parvient à limiter la casse, et devient même le premier parti de la commune du Locle. Les signaux montrant un passage de flambeau du PS aux Verts et de manière moins marquée, du moins pour le moment, du PLR aux Verts libéraux semblent se confirmer. Il faudra toutefois encore attendre avant de se lancer dans des interprétations plus vastes. Parmi les électeurs, une volonté de changement est à l’oeuvre même si le PS paye probablement la politique antisociale menée par le Conseil d’Etat.
L’UDC poursuit sa descente aux enfers, désormais constante, mais parvient tout de même à maintenir à la raclette son siège à l’exécutif chauxois grâce à ses 11,53% des suffrages.

Résistance popiste

Dans cette configuration, le POP résiste plutôt bien malgré une absence quai totale de couverture médiatique. Le Parti maintient son siège au législatif de Neuchâtel et Thomas Perret manque à 16 voix près son entrée à l’exécutif de la nouvelle commune fusionnée. Rageant, surtout en sachant qu’Arcinfo a refusé que le POP participe à leur débat sur le Littoral.

A La Grande Béroche, le POP a déposé une liste qu’il s’agira de développer. Au Val-de-Travers, la section a réussi à obtenir un siège de plus grâce au sérieux de son travail, passant à trois élu.e.s. dont Amanda Ioset. Au Locle, le POP maintient ses deux élus à l’exécutif avec Denis de la Reussille et Cédric Dupraz mais perd quatre sièges au législatif au profit du PLR, en partie en raison d’un vote plus à droite aux Brenets (Gloire aux fusions!). Enfin à La Chaux-de-Fonds, Théo Bregnard conserve son mandat à l’exécutif, mais le groupe en perd un au législatif passant à sept alors que la section souhaitait renforcer ses positions. Recul frustrant étant donné l’implication des élu.e.s popistes durant cette dernière législature où ils ont été une véritable force de proposition et un moteur dans de nombreux dossiers. Promesses d’avenir, de jeunes militantes et militants ont été élu.e.s, ce qui garantit le renouvellement du groupe au Conseil général. En tant que premier parti dans la Métropole horlogère, les Verts ont désormais une grande responsabilité et devront faire mieux que lors de leurs deux dernières législatures.

Participation et informatique en berne

Finalement, évoquons le taux de participation se situant autour des 30% dans le canton. Une fois de plus, les élections communales ne passionnent qu’un petit tiers de la population, ce qui a de quoi inquiéter. Si certains éléments permettent de mieux comprendre ce désamour, à commencer par la Covid-19 et le calendrier des élections entre deux votations fédérales importantes, il ne faut cependant pas occulter plusieurs facteurs explicatifs. Soit le renforcement de l’individualisme, le désintérêt pour la Res publica (chose publique) et l’éloignement entre les autorités et la population. Dans ce contexte, les problèmes informatiques n’aident pas à restaurer un lien de confiance. Ils démontrent, s’il le fallait encore, que l’informatisation des procédures de vote n’est pas souhaitable car source de doute insoluble. C’est donc un paysage en clair-obscur qui se dresse devant nous avec une vague verte qui n’est pas forcément synonyme de renforcement de la gauche, ni de la représentation féminine. Mais aussi un POP sur la défensive. Il est néanmoins promis à un bel avenir. Ceci grâce à la force de ses convictions, l’importance de ses positions pour avoir une chance de conjuguer l’humain et l’anthropocène, une base électorale fidèle et un important renouveau militant.