Darius Rochebin le prédateur

La chronique féministe • A peine les Genevois.e.s se remettent de l’affaire Maudet et son incommensurable ego qu’iels sont confronté.e.s à l’affaire Rochebin!

A peine les Genevois.e.s se remettent de l’affaire Maudet et son incommensurable ego qu’iels sont confronté.e.s à l’affaire Rochebin! Voilà que la «star» de la RTS, pour ne pas dire la «gloire» suisse romande, dont on était si fier.e, qu’on a pleuré quand il a quitté notre chère RTS pour la chaîne française LCI, est un abject prédateur! Si propre sur lui, pourtant, toujours bien coiffé, bien habillé, portant la cravate avec aisance, les yeux brillants derrière ses lunettes, nous gratifiant de son sourire en coin (on aurait dû se méfier!)

Darius Rochebin est né le 25 décembre 1966 à Genève. Après des études de littérature française à l’Université de Genève, il travaille comme journaliste au Journal de Genève en 1987, puis au magazine L’Illustré, avant d’entrer à la Télévision suisse romande en 1995. Il présente son premier journal télévisé (TJ-Nuit) en 1996, puis l’édition du week-end en 1997. À partir de 1998, il est le présentateur vedette du journal national francophone de 19h30, reçu par 257 millions de foyers dans le monde, grâce à sa reprise sur l’antenne de TV5 Monde. À compter de 2008, celui que le journal Le Matin surnomme le «Pape du TJ» assure seul l’animation du journal télévisé. Il conduit parallèlement une émission d’interview intitulée Pardonnez-moi, où il invite chaque dimanche une personnalité marquant l’actualité, notamment Vladimir Poutine, François Hollande, Emmanuel Macron, Aung San Suu Kyi, Sepp Blatter, Julian Assange, Roman Polanski, Johnny Hallyday, Gérard Depardieu, Arnold Schwarzenegger, Jean d’Ormesson. Il a régulièrement présenté des journaux spéciaux décentralisés lors de grands événements: le tsunami en Thaïlande, l’ouragan Katrina à la Nouvelle-Orléans, l’élection de Barack Obama ou encore l’élection du pape François au Vatican. En 2011, il est fait par la France chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres.

À la rentrée d’août 2019, Darius Rochebin cède sa place au Valaisan Philippe Revaz et à la Fribourgeoise Claire Burgy pour le TJ de la semaine, et ne présente plus que les éditions du week-end, en alternance avec Jennifer Covo.
En juillet 2020, il annonce qu’il va quitter la RTS, après 25 ans de collaboration, pour rejoindre le groupe TF1. Il anime depuis le 24 août 2020 une émission d’entrevue quotidienne, du lundi au jeudi, Le 20.00 de Darius Rochebin (écrit en lettres immenses) sur la chaîne LCI.

La France est sous le charme de ce journaliste compétent, cultivé, qui présente bien et conduit des interviews avec maestria. La revue Paris Match du 1er octobre lui accorde sa Une et 4 pages, ayant pour titre «Darius Rochebin le grand Pari(s)». En un temps record, il a conquis la capitale. La presse, unanime, loue ses qualités d’intervieweur calme et bien informé, loin du style agressif à la française. Darius est aux anges. Il rentre le week-end à Genève retrouver son épouse et ses deux filles de 3 et 10 ans. Lors d’un entretien avec Bertrand Monnard, devant la tour du quai Ansermet, Rochebin confie: «C’est toujours un peu ma maison. 25 ans, ça ne s’oublie pas comme ça. Je garde de nombreux contacts.» Et avec sa nouvelle équipe, une vraie complicité s’est tout de suite établie: «Le miracle Darius» conclut le journaliste. Celui dont le départ a sonné «comme un tremblement de terre qui a secoué toute la Suisse romande» s’intègre dans la chaîne française avec une aisance qui émerveille

Or deux mois plus tard, patatras! La belle icône se craquelle. Une enquête du journal Le Temps, qui a duré plusieurs mois et recueilli 30 témoignages, dévoile sa face sombre. Harcèlement sexuel, propos salaces, conversations qui dérapent, gestes déplacés, baisers volés, mais aussi, bien plus pervers, deux fausses identités (de femmes) sur les réseaux sociaux pour harponner de jeunes hommes…
Il use de son statut de «vedette» pour séduire des étudiants qui souhaitent se frotter au journalisme, les invite à boire un café, puis à un dîner. Au retour, il arrête sa voiture, promet un stage, initie un rapport sexuel, le jeune est piégé. Darius, une fois le poisson ferré, devient jaloux, inquisiteur, multiplie les allusions sexuelles, les questions lubriques, les tentatives d’immixtion dans sa vie privée.

Mais le pire, le plus pervers, c’est la création de deux fausses identités, Laetitia Krauer et Lea Magnin, prétendument étudiantes à l’Université de Genève. Les comptes ont été créés à partir de son ancienne adresse mail professionnelle de la RTS! Darius a mis au point une stratégie d’approche de jeunes stagiaires, journalistes ou engagés en politique. Les conversations débouchent sur des invitations à venir visiter les locaux de la RTS. Les internautes croient parler à deux personnes distinctes: Rochebin et une jeune femme. Par son entremise, le présentateur vedette invite son interlocuteur à répandre des rumeurs à son propre sujet: «Tu sais que Darius a une mini-bite?» (Ce monsieur doit avoir de sérieux complexes!) Puis les questions de Laetitia ou Lea enchaînent sur l’anatomie des interlocuteurs, qui éprouvent de la gêne, du dégoût et ont le sentiment d’avoir été piégés.

Des rumeurs circulaient depuis des années, la direction a été alertée. Comme toujours, dans ce genre d’affaires, c’est l’omerta. On préfère étouffer qu’affronter. Ces comportements s’inscrivent dans un système. Comme toujours, le prédateur nie (cf. Dominique Strauss Kahn, Tariq Ramadan, Harvey Weinstein), fait intervenir ses avocats et porte plainte. Mais depuis #MeToo, les victimes osent parler (il a quand même fallu le départ de Rochebin pour certaines). Il semble que les directions se décident à empoigner le problème, à prendre des mesures de prévention, à entendre les plaignant.e.s.

L’une d’elles a confié: «J’ai eu l’impression que le même profil du mâle alpha quinquagénaire se retrouvait à tous les échelons de la direction.» Si les victimes se taisent, c’est parce qu’elles ont honte et craignent de perdre leur emploi. La RTS est une maison où les collaborateurs se cramponnent à leur siège. Cependant, la direction a l’obligation de protéger ses employé.e.s. L’art. 4 de la loi fédérale sur l’égalité entre femmes est hommes précise: «Tout comportement importun de caractère sexuel, qui porte atteinte à la dignité de la personne sur son lieu de travail, relève du harcèlement sexuel.»
Quand la loi sera-t-elle enfin appliquée, dans toutes les entreprises, contre tous les harceleurs vicelards et répugnants, afin que chacun.e puisse travailler dans la sérénité?

J’apprends mardi 3.11 en fin d’après-midi que «Robert» et «Georges», les deux autres prédateurs dont les médias ont parlé, ont été suspendus. La direction de la RTS fait enfin son travail…