Ambassadeur de la «santé marchandise»

Genève • Membre du comité directeur du PLR, Gilles Rufenacht est candidat à la succession de Pierre Maudet au Conseil d’État. Semblant n’avoir guère compris les enjeux de santé publique liés à la pandémie, son parti tranchera le 15 décembre prochain.

Qui est le prétendant? D’origine franco-suisse, le champion PLR a de qui tenir. Son oncle récemment décédé, Antoine Rufenacht, fut une grande figure de la droite gaulliste. Maire du Havre (1995-2010), président du conseil régional, député, conseiller général. Mais aussi secrétaire d’État, directeur de la campagne de Jacques Chirac en 2002. Lors de l’élection présidentielle de 2007, Il avait soutenu Nicolas Sarkozy, aujourd’hui mis en cause pour «association de malfaiteurs» précisément dans le cadre du financement libyen de sa campagne présidentielle.

Le privé, c’est le pied

Gilles Rufenacht aligne sur son CV les lignes compatibles avec la trinité santé, profit et économie ultralibérale. L’homme est directeur de la clinique des Grangettes et à Genève du groupe zurichois Hirslanden, leader suisse des établissements de santé privés et propriété de la multinationale sud-africaine Mediclinic. Il est membre des conseils d’administration de GRGB Santé SA, un centre de médecine nucléaire, et du centre d’échographie Dianecho.
On le retrouve à la présidence de l’Association des cliniques privées (Genève-Cliniques) depuis 2012, et au Conseil d’administration de la Chambre du commerce et d’industrie et des services de Genève (CCIG), ainsi qu’au Comité directeur de la Fédération des entreprises romandes (FER).

Levée de boucliers à gauche

«Aujourd’hui, il ne cache pas sa volonté de transformer Genève en Health Valley. Il n’a en effet pas cessé de se plaindre depuis des années, que la planification sanitaire cantonale ne faisait pas assez de place à l’offre privée, qui choisit pourtant ses patients, ne forme pas les médecins (contrairement aux Hôpitaux universitaires), et dont le personnel est notoirement plus mal payé. Pour lui, pas de doute, la santé est une marchandise, et une marchandise qui rapporte gros, ce dont témoigne la progression du chiffre d’affaires du Groupe Hirslanden, qui a atteint 1,8 milliard de francs en 2018-2019», estime Ensemble à Gauche (EàG) dans un communiqué.

Dans une interview (Le Temps, 06.12.2017), Rufenacht martelait un message sans équivoque concernant la planification sanitaire, tout en critiquant les socialistes Alain Berset (Conseil fédéral), Pierre-Yves Maillard (Vd) et le MCG Mauro Poggia (Ge) dans leur gestion du dossier. «Je souhaite qu’on favorise les acteurs les plus efficients et parfois c’est le privé qui l’est. Une prothèse totale du genou coûte 10% de moins dans une clinique privée que dans les hôpitaux publics à Genève. Pourquoi donc limiter l’accès des assurés de base au secteur privé qui est plus efficient alors qu’il y a un potentiel d’économies pour les assureurs comme pour les cantons?», assurait-il.

L’ombre de Pierre

En mai 2015, comme le rapporte Le Temps, il fait aussi partie d’une délégation patronale aux Émirats arabes unis, coorganisée par Pierre Maudet et la CCIG pour rencontrer de futurs clients d’affaires, notamment dans le secteur de la santé. «S’il était élu candidat et élu en mars prochain, il y aurait donc beaucoup de souci à se faire pour la privatisation accélérée de la santé publique, pour la hausse des coûts des soins, pour la hausse des primes d’assurance maladie, de même que pour la dégradation des conditions de travail du personnel soignant», prévient déjà EàG.

Avec un pareil candidat, le PLR souhaite-t-il favoriser la «réanimation politique» de Pierre Maudet ayant succédé à un autre démissionnaire PLR, Mark Muller, qui avait fait le coup de poing dans un club genevois? «L’erreur est humaine, persévérer (dans son erreur) est diabolique», disait Sénèque. A méditer.