La duchesse de Sussex, Meghan Markle, 39 ans, a révélé mercredi 25 novembre, dans une tribune publiée dans le New York Times, avoir subi une fausse couche en juillet dernier. Elle a décidé d’en parler pour, dit-elle, «briser un tabou».
«Je savais, en serrant mon premier enfant dans mes bras, que je perdais mon second», a déclaré Meghan (leur premier enfant, Archie, est né le 6 mai 2019). Sur une expérience que tant de femmes ont vécue, elle fait de son deuil un moyen de placer la fausse couche au coeur du débat public. Elle évoque un chagrin immense que vivent beaucoup de femmes mais dont on parle peu. Le sujet reste tabou, les femmes qui ont subi une fausse couche éprouvent honte et culpabilité.
Meghan n’est pas la première à briser le tabou. Michelle Obama en 2018, lorsqu’elle a sorti son livre Becoming, a révélé avoir vécu une fausse couche dans une interview accordée à ABC News. «Je me suis sentie seule, perdue, parce que je ne savais pas ce qu’étaient les fausses couches, parce qu’on n’en parle pas», a-t-elle confié. Elle avait 35 ans lorsque c’est arrivé, elle s’est alors tournée vers la FIV (fécondation in vitro) pour mettre au monde Malia et Sasha. «Je pense que c’est la pire chose qu’on puisse se faire entre femmes, ne pas se dire la vérité sur nos corps, comment ils fonctionnent, et comment ils ne fonctionnent pas.»
Céline Dion, maman de trois garçons, a révélé avoir connu deux fausses couches. Alors que René-Charles est âgé de 8 ans, Céline Dion et son époux René souhaitent agrandir leur famille et se tournent vers la fécondation in vitro. Au total, le couple aura réalisé cinq essais et fait face à deux fausses couches avant les jumeaux Eddy et Nelson. Nicole Kidman en 1990, alors mariée avec Tom Cruise, a été confrontée à une première fausse couche. Près de dix ans plus tard, l’actrice australienne fait une autre fausse couche, juste avant sa séparation d’avec l’acteur. Elle s’est livrée dans une interview pour le magazine Tatler: «Je connais le désir de devenir mère. Et la perte! On ne parle pas assez de la perte d’une fausse couche. C’est un immense chagrin.»
La fausse couche est un arrêt naturel de la grossesse. Elle touche environ une grossesse sur cinq. Elle est d’ailleurs une des grandes peurs des couples qui attendent un enfant. De 80 à 90% se produisent au début de la grossesse, durant les 12 premières semaines. La cause la plus courante est une anomalie génétique du bébé. Mais il peut y avoir d’autres raisons: des problèmes de santé de la femme enceinte; une grosse chute, un accident, la violence conjugale, qui peuvent provoquer un décollement du placenta; l’âge de la mère: plus de la moitié des grossesses à l’âge de 45 ans finit en fausse couche, alors que seulement 13% des femmes enceintes de 20 ans en vivront une.
Sophie King, sage-femme de l’association caritative Tommy’s, souligne que parler de la perte d’un bébé pendant la grossesse est un véritable tabou dans la société. De sorte que les mères comme Meghan, qui partagent leur histoire, sont une étape essentielle pour briser cette stigmatisation et cette honte.
Une fausse couche peut être traumatisante. Pour certaines, les cauchemars et les flashbacks se poursuivent pendant de nombreux mois, tandis que l’anxiété et la dépression sont également courantes par la suite. Les partenaires déclarent également souffrir, un sur douze étant confronté à des problèmes similaires.
Natacha (prénom d’emprunt) a subi une fausse couche il y a quelques années. Maintenant mère de plusieurs enfants, elle se souvient de cette perte comme d’une expérience «très violente». «Ma gynécologue a géré ça de façon technique et médicale, mais pas humaine. Il n’y avait pas de place pour l’émotion. Elle a tout de suite embrayé sur ce qu’il faudrait faire: curetage, médicaments… Elle m’a dit: « Allez, vous pourrez en avoir un autre. » Pour Natacha, c’était un vrai deuil. Elle n’a bénéficié d’aucun soutien psychologique. Et n’en a pas cherché non plus, ne s’y sentant pas autorisée. «Tu as un sentiment d’échec et tu vis ta douleur seule.» Pour elle, il est nécessaire de libérer la parole. Il faut aller au-delà des statistiques, expliquer aux femmes ce qui se passe, leur dire qu’il est légitime de ressentir de la douleur, vivre un deuil, chercher de l’aide.
Les signes d’une fausse couche sont: des saignements vaginaux, la disparition soudaine de certains symptômes de grossesse, comme ne plus avoir mal aux seins, des contractions. Il faut alors se rendre à l’hôpital. Une échographie, une prise de sang et un examen vaginal permettront de déterminer si la grossesse est interrompue. Avant dix semaines, il est possible de prendre des médicaments pour accélérer le processus, après dix semaines, un curetage peut être nécessaire. La plupart des femmes qui ont eu une fausse couche peuvent vivre une grossesse normale par la suite. Il est toutefois conseillé d’attendre au moins deux semaines avant d’avoir des relations sexuelles et de patienter un à trois mois avant de retomber enceinte. Le tabac, l’alcool, le café en grande quantité augmentent le risque.
Lors d’une fausse couche, il est important pour le couple d’en parler et de partager ses émotions. Surtout que les parents et les amis ont souvent tendance à diminuer l’importance de l’événement. Il ne faut pas hésiter à consulter pour se faire aider. Il faut aussi en parler aux aîné.e.s, leur permettre de poser des questions. «Le bébé n’arrivait pas à bien se développer dans le ventre de maman. Ce sont des choses qui arrivent parfois.» Si l’on connaît une femme qui a fait une fausse couche, il ne faut pas faire comme si rien n’avait eu lieu, mais aborder le sujet avec elle. Le seul fait d’écouter avec empathie est un soutien.
L’émission Mise au point de dimanche 29 novembre a abordé le sujet. Le Code civil a changé récemment: même avant 22 semaines, le foetus peut avoir une reconnaissance, ce qui aide les parents à faire leur deuil. Le vocabulaire est culpabilisant: on dit «faire» une fausse couche. On pourrait dire «avoir» une fausse couche, la «subir». Pour se sentir moins seule, il faut en parler, poser des questions, demander de l’aide. Le message essentiel à retenir est qu’il n’y a pas de honte à vivre une fausse couche. Lever le tabou aidera toutes les femmes. Enfin, je vous recommande Il s’agit de ne pas se rendre d’Anouk Dunant (Ed. des Sables 2020), qui témoigne de son expérience et s’interroge sur le sens de ce deuil. Un livre fort.
P.S. TJ de mardi soir : les deux Chambres ont accepté que les coûts des grossesses soient payés depuis le début. Jusqu’alors, les frais dus à une fausse couche pendant les 12 premières semaines étaient à la charge de la femme enceinte. Un progrès.