L’urgence à éviter faillites et licenciements

Genève • Arrivée en tête au premier tour de l’élection complémentaire au Conseil d’Etat genevois, la candidate verte Fabienne Fischer espère confirmer l’essai au deuxième tour et ainsi empêcher Pierre Maudet de gagner son pari. Entretien.

Fabienne Fischer met en avant la nécessité d’une majorité de gauche au sein d’un gouvernement collégial. Copyright : Les Verts genevois

Pouvez-vous évoquer quelques-unes des étapes de votre parcours qui vous ont motivée à vous engager pour la justice sociale et climatique?

Fabienne Fischer Mon parcours a été marqué par mon expérience en tant que militante, mère de famille, femme politique, avocate et administratrice. J’ai d’abord milité dans les associations d’étudiant.e.s de l’Université de Genève et de l’Union nationale des étudiant.e.s de Suisse. Parallèlement, j’étais active dans la lutte antiapartheid. Mon engagement s’est poursuivi au Syndicat des services publics et à l’Union du corps enseignant du secondaire genevois, ainsi que dans des comités de crèches. J’ai aussi collaboré au comité de rédaction du journal féministe L’Emilie, et j’ai été déléguée genevoise dans la coopérative Mobility.

Comment vous appuierez-vous sur les mouvements sociaux pour mettre en œuvre votre politique?

Tout d’abord j’aimerais dire un grand merci aux électeurs et électrices qui m’ont témoigné leur confiance et leur engagement personnel. L’accueil sur les stands est toujours très chaleureux. Les gens sont inquiets de la situation. Et à juste titre! Au premier tour, j’arrive largement en tête. 30% des voix, c’est très bien, alors qu’il y avait sept autres candidats en lice, dont Morten Gisselbaek du Parti du Travail (PdT), qui a fait un bon score. Oui, vraiment, je suis satisfaite de mon score, sans triomphalisme aucun, car tout reste à jouer. Aujourd’hui, le PdT et le DAL ont rejoint l’alliance du PS et des Vert.e.s; et solidaritéS appelle à son habitude à faire «barrage à droite», alors que je suis la seule candidate de gauche, et je le comprends donc comme un soutien. Des associations importantes comme l’AVIVO et Pro Vélo appellent à voter pour moi. Et les jeunes, surtout. Les Jeunes Vert.e.s et les Jeunes socialistes ont été rejoints par les Jeunes Verts libéraux. Leur espoir en l’alternative que je représente me touche. Je ne les décevrai pas.

Tous les jours, de nombreuses personnes, chômeur.euse.s, employé.e.s précarisé.e.s, petit.e.s indépendant.e.s, chauffeur.e.s de taxi, locataires en sursis, fonctionnaires qui pourraient avoir voté MCG par le passé ou qui se disent indigné.e.s ou déçu.e.s de Pierre Maudet m’annoncent leur soutien. Ces personnes pensent comme moi qu’il faut augmenter les indemnités post-covid à 100% et que leur distribution doit être moins bureaucratique, et qu’une majorité de gauche au gouvernement sera déterminante pour le faire. Accélérer la protection du climat! Travailler à une société inclusive! Promouvoir le respect de la santé et de la nature! Travailler dans un gouvernement honnête, compétent et collégial! Voilà pourquoi nous nous battons ensemble, et voilà pourquoi je désire être élue.

Quelles sont les mesures pour combattre les inégalités sociales que vous souhaitez promouvoir et mettre en place au Conseil d’Etat ?

Il y a une véritable urgence à empêcher les licenciements, les expulsions et les faillites de petites
entreprises locales. La pauvreté et la précarité s’accroissent déjà très rapidement. Voilà des exemples de mesures immédiates: arrêter de harceler les chômeurs avec des exigences absurdes alors que des secteurs d’activité entiers sont à l’arrêt; protéger les baux des locataires – pour les logements et pour les ateliers et les arcades – en prévoyant un délai de paiement des loyers prolongé; que l’Office des poursuites et des faillites adopte une pratique bienveillante pour celles et ceux qui se trouvent en poursuite ou menacés de faillite. Et au-delà, c’est à mon avis le moment de réfléchir à nouveau à un revenu de base inconditionnel, au moins le temps de sortir de la crise!

La législature en cours a été marquée par une crise institutionnelle, principalement liée aux ennuis judiciaires du Conseiller d’Etat Pierre Maudet. Comment comptez-vous vous y prendre pour restaurer un climat propice à affronter les défis liés à la pandémie?

Il faut sortir de la crise institutionnelle au plus vite. Et restaurer la confiance par des mesures économiques fortes car les questions économiques sont centrales. Les mesures prises maintenant pour répondre à la crise sociale doivent également préparer nos réponses à la crise climatique. Nous n’avons qu’une seule planète. Nous ne parviendrons pas à la neutralité carbone par des petites réformes. Il faut réorienter progressivement la production en créant de l’emploi socialement utile, notamment dans le domaine des soins (maintien à domicile, accueil pré- et extrascolaire des enfants, soutien aux proches aidants et accueil des victimes de violence domestique, etc.) et favorable au climat, notamment dans la rénovation énergétique des bâtiments et le développement des énergies renouvelables locales.

Produire les masques, les médicaments, les vaccins dont nous avons besoin. Développer la fibre optique pour nous passer de la 5G, et reprendre la main sur nos données personnelles, actuellement aux mains des GAFAM. Renforcer notre agriculture, nos artisans, les PME locales qui sont tournées vers le marché local. Cela permettra de satisfaire les besoins des gens d’ici et de réorienter la consommation vers des produits sains et locaux. Il ne sert à rien d’aller chercher des investisseurs en Chine ou aux Emirats, cela augmente notre dépendance. L’Etat doit investir des milliards dans ces emplois non délocalisables, qui renforceront la souveraineté alimentaire, sanitaire, numérique et énergétique notamment.

Quel rôle la fonction publique est-elle appelée à jouer dans votre vision?

Je suis très attachée au service public. L’Etat doit répondre aux besoins de la population, en matière d’éducation et de formation, de santé et de sécurité publique, notamment. Ces besoins sont en évolution permanente, il faut une fonction publique dynamique, proche du terrain, correctement payée, ne croulant pas sous la charge de travail, ni sous le poids d’une hiérarchie ou d’une bureaucratie démobilisante.