Le personnel Swissport loin d’être à bon port

Genève • En conflit avec la direction, des employé.e.s de Swissport sont descendu.e.s dans la rue pour demander une action de l’État à l’aéroport, en prévoyant des mesures de débrayage.

«Cela fait 15 ans que je suis dans la boîte et j’ai deux enfants. Du fait des horaires irréguliers, j’ai des crises d’épilepsie à répétitions attestées par un certificat médical. Jusqu’à présent, pour ménager ma santé, j’avais droit à un horaire régulier. Le 4 janvier, la direction de Swissport nous a proposé de nouveaux contrats de travail, qui augmentent la flexibilité et la soumission aux besoins de l’entreprise. Mon certificat médical est passé à la trappe. Voilà pourquoi, j’ai décidé de démissionner, dégoûté.»

A bout de souffle

Comme 23 autres de ses camarades de travail, Thierry* (prénom fictif) a décidé de ne pas continuer dans l’entreprise mondiale de manutention aux avions et de service de bagages, forte de 1200 employé.e.s à Cointrin. «On est là au service des usagers pour que tout se passe bien quand ils partent, qu’il vente ou pleuve, à travailler les week-ends avec une majoration de trois francs de l’heure le dimanche, mais notre sort a été réglé en 30 minutes chez les RH. On se croirait au XIXe siècle, au temps des coups de fouets», déplore-t-il encore. Ceci devant une centaine de membres du personnel réunis à l’invite des syndicats SSP et Avenir syndical, en Vieille-Ville de Genève ce mardi.

Congés piégés et restrictions

Petit retour en arrière. En janvier, sur fond de baisse du trafic aérien et de vide conventionnel depuis octobre 2020, la direction de Swissport a proposé à ses employé.e.s de nouveaux congés – modifications des contrats de travail, qui péjorent notoirement la situation des salarié.e.s. Soit une baisse jusqu’à 20% des salaires, mais aussi augmentation du temps de travail de 40h à 41h25 par semaine, annualisation du temps de travail, suppression de la participation de 200 francs mensuels à l’assurance-maladie, augmentation des cotisations LPP et réduction des jours de vacances pour une partie du personnel.

Des contrats à signer dans la foulée sous peine d’être mis à la porte, à prendre ou à laisser. Une majorité les a finalement signés. Après plusieurs manifestations, un médiateur a finalement été désigné par l’État en la personne de l’ancien Conseiller d’État écologiste, David Hiler, avec des négociations à clef. «Mais rien n’en est sorti et Swissport n’a rien proposé si ce n’est ses demandes initiales», a souligné Yves Mugny, secrétaire syndical d’Avenir social.

Motion urgente

En janvier, une motion urgente, portée par les partis de l’Alternative et le MCG, invitait le Conseil d’État à «exiger l’abandon des nouveaux contrats valant congés-modifications et qu’en cas de désaccord des parties au litige, à les enjoindre à se soumettre à l’arbitrage de la Chambre des relations collectives de travail». En cas de refus de l’employeur de se soumettre à l’arbitrage, le Conseil d’État était invité à dénoncer la concession ou, si impossible, à ne pas la reconduire à sa plus proche échéance et à attribuer le marché à une entreprise plus respectueuse du partenariat social et respectant des conditions de travail et de salaires en adéquation avec les coûts réels de la vie à Genève.

Passage en force

«À ce jour, le Conseil d’État n’a mis en place qu’une conciliation à la Chambre de relations collectives de travail (CRCT) lors de laquelle Swissport n’a une fois de plus rien lâché. On est sorti avec les mêmes propositions inchangées pour un passage en force. Telle est la manière de négocier de Swissport», a vilipendé Yves Mugny devant la foule, tout en enjoignant dorénavant le gouvernement à appliquer la motion. «A défaut, le personnel devra recourir aux débrayages dès que le trafic reprendra», prévient-il. Comme en 2010, où une partie du personnel avait conduit une grève de treize jours. «Il n’est pas acceptable de proposer des conditions de travail indignes dans une infrastructure publique et dans une entreprise au bénéfice d’une concession publique. La motion doit être mise en oeuvre rapidement», a abondé la députée écologiste Marjorie de Chastonay, tout en saluant la mobilisation du personnel.