Objectif convergence pour le monde du travail

Genève • La lutte pour le maintien des limites d’ouvertures des commerces révèle les peurs des personnes que cet encadrement protège. Des travailleurs.euses pour qui une convergence des luttes est nécessaire.

Un référendum a été lancé contre la proposition d’une ouverture de 3 dimanches par an et une prolongation de l’horaire à 19 heures le samedi. (MHM55)

Suite à l’adoption par le Grand Conseil d’un assouplissement des horaires des magasins, le syndicat Unia épaulé par la gauche du PdT, le PS et les Verts, lance un référendum pour contrer cette «dégradation des conditions de travail des vendeuses et vendeurs». Il est à craindre que l’échec de l’initiative cantonale «Touche pas à mes dimanches», rejetée par le peuple genevois en 2016, ne se répète. Entre la préoccupation bourgeoise notamment de pouvoir consommer à sa guise, et la peur qui règne dans un monde du travail divisé, deux camps s’affrontent à armes inégales.

Le vécu d’une vendeuse

Vendeuse depuis de longues années et militante Unia pour le comité vente du syndicat, Maria pose, les problèmes liés à l’extension des horaires des magasins Soit jusqu’à 19h le samedi et à la possibilité d’ouverture trois dimanches par an, que les député.es ont adopté. «Avant, nous finissions à 17h et c’était déjà difficile pour les nombreuses mères de famille qui composent la profession», explique la travailleuse. Elle rappelle que ces dernières après être rentrées, auront encore très souvent à s’occuper du travail domestique, faire à manger ou s’occuper des enfants. «En partant à 19h, nous n’aurons plus de week-end!», s’insurge-t-elle.
Face aux propos du Conseiller d’État Mauro Poggia, qui, en raison de la suppression des nocturnes du jeudi jusqu’à 21h, y voit une loi «pondérée», Maria insiste: «Il est question d’attaquer nos week-ends, rendant encore moins possible de nous organiser un déplacement, en France voisine ou ailleurs, pour nous évader». Elle précise que les nocturnes ne fonctionnent pas, puisqu’il n’y a déjà plus personne à partir de 18h ou 19h.

Rapport de force

Cette attaque de la droite et du patronat sur les conditions de travail s’inscrit dans un contexte déjà défavorable à l’égard des travailleurs.euses. «Parfois, dans certains commerces, on a même plus le temps de faire pipi. Il nous arrive d’arrêter de manger pour servir le client. On ne peut pas accepter ça», explique Maria, à qui il arrive de se demander, «où est ll’inspection du travail?». Et puis, il y a cet argument psalmodié par la droite, le volontariat. Selon ce dernier, il ne serait pas grave de faire sauter les verrous encadrant les horaires, puisque les employé.e.s seraient libres d’accepter tel jour de travail ou tel horaire. «Le volontariat? Il faut y aller, sinon on se retrouve sur une liste et lorsque l’on demandera un congé ou une période particulière de vacances on nous les refusera en nous disant: puisque tu n’as pas voulu du samedi, je ne t’accorderai pas ta demande», rétorque Maria, résumant en une phrase ce que la théorie des organisations appelle «la marge de manoeuvre» des négociations entre employeur.es et employé.es.

Atomisation contre mobilisation sociale

Enfin, le contexte social genevois pourrait conduire à ce que, dans le cas où le référendum obtiendrait les paraphes nécessaires, la population votante face prévaloir la volonté bourgeoise de consommer à toute heure sur les conditions de vie notamment du personnel de vente, à l’instar de l’initiative de 2016 évoquée ci-dessus. En admettant cela, on peut s’interroger. La campagne référendaire ne gagnerait-elle pas à s’adosser sur des mouvements sociaux tels que des manifestations et surtout des grèves?

«Elle y gagnerait. Toutefois, nous devons aujourd’hui faire avec une atomisation du monde du travail, jusque dans la branche. Les conditions diffèrent entre par exemple, la Migros d’un grand centre commercial et un magasin plus petit», regrette Pablo Guscetti, secrétaire syndical à Unia pour le commerce de détail. Une absence d’unité qui s’explique aussi par un sentiment de crainte. «Je n’avais jamais autant entendu le mot «peur» que de nos jours», ajoute M. Guscetti. La «peur» de s’engager par «peur» de représailles, celle de perdre son emploi, de ne plus pouvoir subvenir à ses besoins et à ceux des siens. Cela, Marie le confirme. «Il faut du courage! Ce n’est pas facile», conclut-elle.

Urgence de la convergence

Pour Davide De Filippo de la Communauté genevoise d’action syndicale (CGAS), il est important d’ajouter que bien que la loi concerne les commerces, ses effets auront des répercussions sur d’autres branches. «La loi aura un impact sur les livraisons, les nettoyages ou les transports publics. Ces domaines devront adapter leurs horaires», détaille-t-il. Le syndicaliste ajoute qu’elle pourrait bien constituer un cheval de Troie, offrant un premier jalon à la droite et au patronat pour détruire la protection des travailleurs.euses en matière de temps de travail.

A une époque où les inégalités sociales et de genres – qui s’intersectent – sont décriées, où la situation environnementale invite plus à une diminution qu’à une extension de la consommation, le combat genevois des travailleuses – à plus de 60% – et des travailleurs de la vente ne demande qu’à être saisi par la Grève des femmes et celle de l’Avenir. Une convergence qui pourrait bien contrarier les velléités de la droite et du patronat, en faisant que la «peur» change de camp.