Violences contre les femmes, suite sans fin

La chronique féministe • Ne serait-il pas possible d’en faire une priorité, de cerner les causes et d’y remédier?

En ce moment, on parle partout de la violence envers les femmes, on nous bombarde de tueries et de statistiques toutes plus effrayantes les unes que les autres, à tel point qu’on se demande pourquoi le problème perdure. Ne serait-il pas possible d’en faire une priorité, de cerner les causes et d’y remédier?

En Chine, les campagnes de dénigrement orchestrées par les trolls – individu ou comportement qui vise à générer des polémiques – prennent souvent pour cibles des femmes, et sont sous-tendues de relents misogynes.
En France, à Mérignac (Gironde), Chahinez est morte à 31 ans mardi 4 mai sur le chemin de l’école qu’elle empruntait chaque jour pour y mener ses enfants. Son mari, Mounir B., lui a tiré deux balles de fusil dans les jambes avant de l’asperger d’un liquide inflammable, de mettre le feu à son corps, et de tenter d’incendier sa maison. En juin 2020, il avait commencé à l’étrangler. Condamné à 18 mois de prison, il est ressorti en décembre, 5 mois seulement après sa condamnation, avec l’interdiction de s’approcher de sa femme, mais sans bracelet anti-rapprochement…

Samedi 8 mai, en Afghanistan, une voiture piégée a sauté devant l’école Sayed Al-Shuhada, puis deux autres bombes ont explosé au moment où les élèves, paniquées, se précipitaient dehors. Plus de 50 personnes ont été tuées, dont une majorité des lycéennes, et une centaine furent blessées. Le gouvernement a accusé les talibans d’être à l’origine de ce massacre, mais ces derniers rejettent toute responsabilité. L’attentat est survenu dans le contexte du retrait des 2500 derniers soldats américains encore présents dans ce pays déchiré par 20 ans de conflit et toujours en proie à la violence. Selon l’ONU, 60 à 80% des Afghanes sont mariées de force. Or l’éducation est un moyen d’empêcher ces mariages forcés, ce qui déplaît aux talibans…

Les violences domestiques augmentent (+ 20% durant les périodes de confinement). En Suisse, 22% des femmes de plus de 16 ans ont déjà subi des actes sexuels non consentis, et elles sont 12% à avoir eu un rapport sexuel contre leur gré. C’est ce que révèle une enquête représentative de l’institut de recherche gfs.bern pour le compte d’Amnesty International (AI). Près de la moitié des femmes violentées préfèrent garder le silence. La peur, la honte et le manque de confiance dans le système judiciaire empêchent de nombreuses victimes de signaler les abus. Seules 8% des femmes interrogées ont porté plainte. Et celles qui ont le courage de le faire n’obtiennent souvent pas justice, car au tribunal, c’est la parole de l’un contre celle de l’autre.

Les statistiques sur la violence dans le couple varient considérablement d’un pays à l’autre. Selon l’ONU, en Grande-Bretagne, 30% des femmes subissent des abus par leur conjoint ou ex-conjoint. En Jordanie occidentale 52%, au Nicaragua 28%, au Bangladesh 47%, au Canada 29%, dans le Sud et le Sud-est de l’Anatolie (Turquie) 58%, en Australie 23%, au Cambodge 16%. La Russie est l’un des seuls pays à ne pas disposer d’une loi spécifique sur ce sujet.

Le viol est un crime dont on ne perçoit que la pointe de l’iceberg. Aux États-Unis, 700’000 femmes sont violées ou victimes d’autres formes d’agressions sexuelles chaque année. 14,8% ont moins de 17 ans. En France, entre 50’000 et 90’000 femmes ont été violées, et de nombreuses victimes n’ont pas dénoncé leur viol.

Si le mouvement #MeToo a permis de révéler la fréquence à laquelle les femmes subissent des viols et des agressions sexuelles, aucune étude récente n’est consacrée à la prévalence de ces violences lorsqu’il s’agit du premier rapport, ni aux conséquences à long terme sur leur santé globale. Selon les chiffres sortis en 2019, pour plus de 3 millions de femmes aux USA (une femme sur 16), la première expérience sexuelle résulte d’un viol; leur âge moyen est de 15,6 ans. Alors qu’une femme sur 6 est agressée sexuellement dans sa vie aux États-Unis, seuls 5% des violeurs sont reconnus coupables et 3% vont en prison, souligne Eleanor Smeal, présidente de la Feminist Majority Foundation. Cela signifie que 15 violeurs sur 16 restent libres.

L’Afrique du Sud est la région du monde où le taux de viol est le plus important. On estime qu’une femme née en Afrique du Sud a plus de chance d’être violée que d’apprendre à lire. Les chiffres de l’ONU ne reflètent cependant pas la réalité. En effet, seul un viol sur 20 serait déclaré. Cela signifie qu’en moyenne, environ 1300 femmes seraient violées chaque jour en Afrique du Sud, soit près de 480’000 par an.

Partout, dans tous les milieux professionnels, des femmes dénoncent le harcèlement dont elles sont victimes. Selon des auteur.e.s féministes, le viol est une violence patriarcale, un puissant moyen pour maintenir les femmes dans une position subordonnée. Ainsi, Susan Brownmiller considère que le viol «n’est rien de moins qu’un processus d’intimidation, conscient ou inconscient, par lequel tous les hommes maintiennent toutes les femmes dans la peur.» Il servirait de punition pour celles qui auraient bravé l’interdit d’utiliser librement l’espace public. D’après la féministe Andrea Dworkin, le viol fait partie des quatre crimes qui balisent la condition des femmes, avec la violence conjugale, l’exploitation économique et l’exploitation reproductive. Selon Angela Davis, militante philosophe, «Les violences sexuelles sont une pandémie depuis deux siècles. (…) Au-delà d’une punition individuelle, il faut réfléchir à ce qui encourage ces actions.»

Aujourd’hui en Suisse, les Chambres fédérales ratiocinent sur la définition du viol et au lieu de l’élargir à la notion de consentement, ce qu’ont déjà fait d’autres pays, elles imaginent un «mini-viol» qui serait plus légèrement puni!
La fiction est en avance sur la réalité: des séries policières, de Julie Lescaut aux plus récentes, comme L’art du crime, Cassandre, HPI, Astrid et Raphaëlle, où des femmes sont commissaires ou maîtresses du jeu, portent un regard différent sur les crimes, les violences et les victimes.

Il faut remettre en cause le système sur lequel reposent toutes les sociétés: la valorisation du masculin, la dévalorisation du féminin. Une vision qui est malheureusement perpétuée dès l’enfance par l’éducation familiale et par les manuels scolaires, tous sexistes. Quand les personnes responsables pédagogiques empoigneront-elles cette question précise?