Propagande mortifère d’extrême droite 2.0

France • Une vidéo fascisante met en scène l’exécution d’un militant de gauche, figuré par un mannequin, avec des armes à feu. Ceci dans un pays qui peine à juguler la prolifération des idéaux d’extrême droite.

Une vidéo mise en scène par des éléments d’extrême droite appelle à l’exécution de militants communistes et fait l’apologie de la haine. Depuis sa diffusion, les plaintes se multiplient. (DR)

Dans la soirée de dimanche, deux youtubeurs surnommés Papacito et Code Reinho ont posté sur la plateforme où ils officient une vidéo intitulée «Le gauchisme est-il pare-balles?». Le premier est un vidéaste de la fachosphère s’étant fait connaître en prodiguant des conseils virilistes pour devenir un mac (diminutif de maquereau qualifiant un proxénète). Le second serait un ancien militaire. Il donne des conseils en armement. Dès l’entame, Papacito assume que sa vidéo «risque d’être un peu tendancieuse, du point de vue de la possibilité qu’elle soit glissante et fascisante», mais que ces auteurs vont «tout faire pour que non».

Menaces explicites

De chaque côté d’un mannequin portant casquette floquée d’un marteau-faucille et t-shirt sur lequel on peut lire «Je suis communiste», les deux protagonistes déguisent d’abord leur propos. «On va voir si le matériel de base d’un mec qui vote Jean-Luc Mélenchon va lui permettre de résister à la potentielle attaque d’un terroriste sur notre territoire», affirme d’abord Papacito, avant que son comparse ne vende la mèche lorsqu’il évoque, sur fond de mitrailleuses, le choix des munitions. «Le but c’est de savoir si Jean-gauchiste pourra survivre aux gens normaux qu’il insulte et qu’il méprise depuis des années… Donc on va utiliser la munition la plus courante chez les gens normaux, le calibre 12», lance le surnommé Code Reinho. Ce ne serait donc pas des terroristes que les «gauchistes» auraient à craindre mais bien les gens «normaux», qu’ils mépriseraient.

Tableau d’une exécution

Pour leur prétendue «expérience scientifique», les deux acolytes remplissent un sac à dos avec le matériel type des «fils de putes (sic)» censés les protéger des balles. Nous en retiendrons trois éléments. D’abord, ils placent des tampons hygiéniques dont Code Reinho se demandent si ceux-ci sont pour «homme ou pour femme», dans une saillie misogyne. Ensuite, ils y insèrent du tabac à rouler car «la définition du gaucho» est «celle d’un mec qui «ne trouve pas de boulot et termine à Mediapart». Enfin, ils scotchent de la presse présentée comme de gauche (Libération, Le Parisien...) autour du ventre du mannequin représentant un militant. Après une coupure publicitaire pour une compagnie, spécialisée dans les produits français sponsorisant la vidéo, place à une démonstration de violence physique. Armés de fusils, les deux protagonistes tirent à plusieurs reprises le mannequin, lui arrachant la tête. «Sans tête, est-ce on peut acheter du café équitable?» s’interroge Papacito. Suivent des gros plans sur les points d’impacts comme pour évoquer des blessures.

Permis de tuer

Après cette mise en scène, qui aura choqué et inquiété nombre de militant.es de gauche du pays, les youtubeurs vont beaucoup plus loin. Faisant mine d’évoquer la prolifération des sangliers, ils livrent un conseil pour s’en protéger, s’armer au travers des procédures pour pratiquer la chasse. Précision importante, dans les milieux de l’extrême droite francophone, le terme de «sanglier» est un code pour désigner la population d’origine arabe, maghrébine ou de confession musulmane. Papacito affirme que les armes auxquelles un permis de chasse donne accès seraient «une assurance de vous faire respecter dans les moments où on remettra en doute vos convictions».

Suit une session de recommandations en matière d’équipement et de «style», Papacito propose des insignes à ajouter sur son béret». Dont celui de la Phalange, organisation fasciste espagnole armée des années 30. Les vingt minutes d’appel au fascisme et à l’armement se concluent par un Papacito massacrant le «gauchiste» en plastique à l’aide d’un couteau de combat.

Réaction de Mélenchon ciblé

Le lendemain de la publication, la vidéo comptait un peu plus de 120’000 visionnages, lorsqu’elle a été retirée de la plateforme Youtube, et sans doute de nombreux téléchargements. Nous ignorons si cela a été un retrait effectué par les auteurs, une réaction du site aux nombreux signalements effectués par ses utilisateurs.trices, ou encore la demande des avocat.es de Jean-Luc Mélenchon, leader de la France Insoumise (FI). Toujours est-il que la disparition de la vidéo suit de peu la conférence de presse de ce dernier à propos de cet «appel au meurtre».

«Qui que vous soyez, quelque que soit votre opinion, politique à mon sujet ou à celui des Insoumis, je suis certains qu’aucun.e d’entre vous, n’approuve une telle mise en scène, et que plutôt, comme nous, vous êtes soulevés de dégoût et d’effroi», a-t-il déclaré. Avant de formuler un appel: «Je vous demande, autant que vous le pourrez, de le faire savoir. Car c’est la meilleure protection dont nous puissions tous.tes, bénéficier, puisque nous sommes visé.es indistinctement,. Je nous place sous la protection de votre opinion» a conclu le Président de la FI. Il a affirmé porter plainte contre les auteurs de la vidéo, tout comme le Secrétaire national du Parti communiste français, Fabien Roussel.

Depuis sa suppression, cette propagande fasciste 2.0 a été réuploadée à quatre reprises. Soit à nouveau téléversée sur la plateforme. Malgré la gravité de son propos cette vidéo n’a suscité d’abord que peu de commentaires au sein des principaux médias français. Toutefois, depuis que le Président de la République a été victime mardi, d’une gifle assenée par un militant vraisemblablement royaliste, l’affaire pourrait enfler médiatiquement. Ceci tandis que des appels circulent appelant à descendre dans les rues du pays, samedi, pour manifester contre les idées d’extrême droite.