Une grâce pour réouvrir les débats

Espagne • Le gouvernement de gauche décide de gracier et libérer sous conditions 9 dirigeants indépendantistes catalans emprisonnés depuis près de quatre ans pour avoir organisé d’un référendum sur l’indépendance le 1er octobre 2017.

Manifestation à Madrid pour la liberté des prisonniers politiques catalans en 2018. (Adolfo Lujan)

Annoncée à Barcelone lors de sa visite an Catalogne, puis ratifiée en conseil des ministres ce mardi, la décision de grâce partielle pour 9 leaders indépendantistes catalans, accusés de sédition et pour certains de détournement de fonds, entrés en prison en 2019, va faire l’objet d’un décret royal, qui devra être signé par le Roi. Condamnés à des peines de prison de 9 à 13 ans, l’ex-vice-président de la Generalitat (gouvernement catalan) Oriol Junqueras, les anciens ministres catalans Raul Romeva, Joaquim Forn, Jordi Turull, Josep Rull y Dolors Bassa, l’ex-présidente du Parlement Carme Forcadell et les leaders de ANC (Assemblée nationale catalane) et Òmnium Cultural, une association qui œuvre pour la promotion de la langue et de la culture catalanes et pour l’identité des pays catalans, Jordi Sànchez et Jordi Cuixart seront soumis à un strict régime conditionnel. Ils.elles ne pourront pas commettre de «délit» jusqu’à l’échéance initiale de leur peine et resteront privés d’exercice de leurs droits civiques.

Menaces de Vox et de la droite

Dans son discours au théâtre Liceu de Barcelone, Pedro Sanchez, chef de gouvernement espagnol a expliqué que «cette mesure de grâce n’exigeait pas que ceux qui en bénéficient changent d’idées. Dans les faits, ces personnes n’ont pas été sanctionnées pour leurs idées, mais bien pour leurs actes contraires à la légalité démocratique.» «Ces grâces sont des gestes qui peuvent atténuer le conflit, atténuer la douleur de la répression et la souffrance de la société catalane, et tout geste dans la ligne de la dé-judiciarisation du conflit aide à aller dans cette voie», a reconnu Oriol Junqueras. «Cette décision est la reconnaissance que les condamnations étaient injustes», a déclaré, de son côté, le président du Generalitat, Pere Aragonès (Gauche républicaine), dans une déclaration institutionnelle.

Rappelons que le référendum auto-détermination de 2017 sur l’indépendance de la Catalogne, avait été proposé à l’initiative du gouvernement régional de Catalogne et approuvé par le Parlement de Catalogne. Le 10 octobre 2017, le président de la Généralité Carles Puigdemont (aujourd’hui exilé en Belgique et toujours menacé d’extradition) avait annoncé l’indépendance et indiqué «suspendre» celle-ci «dans l’attente d’un dialogue avec le gouvernement espagnol». Le 17 octobre 2017 le Tribunal constitutionnel espagnol avait déclaré illégal ce référendum et annulé sa loi. Alors que le 27 octobre, le parlement de la Généralité de Catalogne proclamait l’indépendance sous forme de République, le gouvernement espagnol de Mariano Rajoy (PP) répondait instantanément avec l’Article 155 de la constitution, mettant la Catalogne sous tutelle, destituant le parlement et son président et lançant des élections régionales pour le 21 décembre 2017.

Partie de poker menteur

Pour le journal de gauche, El Salto, le calcul politique de Pedro Sanchez est clair: les grâces sont une étape nécessaire pour s’assurer, dans la mesure du possible, un soutien nécessaire de la gauche catalane au Congrès en vue de prolonger la législature après un an et demi difficile, marqué par la pandémie et la crise économique. Le journal s’attend aussi à ce que le gouvernement subisse l’hostilité du Parti populaire, de Vox (qui a annoncé recourir devant le Tribunal suprême) et de certains secteurs de la droite nationaliste espagnole et «n’aura pas les applaudissements unanimes du mouvement indépendantiste catalan».

Si la Gauche républicaine (Esquerra Republicana) accepte la main tendue, elle considère toujours nécessaire d’accorder une amnistie générale pour résoudre le cas global des plus de 3000 cas de personnes impliquées dans des affaires judiciaires liées au référendum et aux manifestations pour l’indépendance.«Le moment est aussi venu d’un référendum d’indépendance en Catalogne avec un aval international», a encore fait savoir Pere Aragonès, qui en fera part lors de la prochaine table de dialogue prévue entre les gouvernements espagnols et catalans. «Pedro Sánchez y réaffirmera son engagement en faveur des voies constitutionnelles et de son Agenda pour la Réunion, qui a beaucoup plus à voir avec la négociation de questions gouvernementales et de gestion qu’avec le fond politique du conflit», estime le journal Publico.es. Le bras de fer est loin d’être terminé.