Idéologies et intérêts

Courrier des lecteurs • Pierre Aguet dénonce les intérêts privés dans certains secteurs essentiels de l'économie.

Nous assistons, dans nos démocraties occidentales à des affrontements idéologiques plus ou moins intéressants. Ils portent en général sur la volonté de développer la solidarité entre les citoyens et les citoyennes pour la gauche et la volonté de développer la liberté d’entreprendre et la responsabilité individuelle pour la droite. Ce débat est vivifiant et ces valeurs sont fort respectables. Elles méritent d’être mises en balance lors de la plupart des décisions politiques importantes.

Il y a cependant un aspect qui n’est pas assez mis en exergue par les observateurs. C’est l’aspect intéressé des animateurs de ce débat. Pourquoi la politique de la santé, celle des assurances et celle du logement, par exemple, se trouvent particulièrement bloquées pour ne pas dire enlisées ? C’est qu’il y a tellement de millions à gagner en «exploitant» des citoyens obligés de s’assurer ou des locataires obligés de se loger, que ces secteurs ne doivent absolument pas être laissés ni à l’État, ni à des entreprises sans buts lucratifs comme les coopératives.

Il y a des exceptions obtenues après des décennies de combats: L’AVS en est une. Mais elle est sans cesse remise en cause. Alors que c’est le deuxième pilier qui bat de l’aile, c’est toujours l’AVS qui est montrée du doigt comme moribonde. Alors que ce sont les services privés qui coûtent plus cher que les services d’État, voilà 50 ans qu’on affirme le contraire.
La presse n’appartient qu’à un groupe très limité de personnes très riches. En France elles ne sont que neuf. Cela explique pourquoi un nombre important d’informations n’apparaissent
que dans des journaux marginaux qui ne font pas le poids dans la formation de l’opinion publique.

Par exemple, Alexandre Loukachenko est systématiquement présenté comme le dernier dictateur d’Europe. Même traitement que Fidèle Castro. Pourquoi ? Voilà deux hommes qui n’ont pas permis aux prédateurs capitalistes de prendre le contrôle des richesses de leurs pays, ni des capacités de consommateurs de leurs deux peuples, alors qu’ils ont le contrôle de la terre entière, un terrain de jeu qui ne leur suffit encore pas. Voyez Elon Musk et Jeff Bezos qui partent à la conquête des étoiles. Bien sûr que pour résister à ces multimilliardaires, il faut une main de fer. D’où l’expression : dictateur.

Il faudrait toujours se poser la question que posent les bons détectives : à qui profite le crime ? Cela même si les solutions proposées ne sont pas des crimes. Peut-être que le bon peuple comprendrait mieux pourquoi, sur certains sujets, des hommes sont capables d’aller jusqu’au crime pour que des pans entiers de l’économie n’échappent pas à leur fringale de millions. Nous venons d’apprendre que le contrôle des chiffres donnés à l’OFSP pour justifier les augmentations annuelles des primes-maladie est confié par le Conseil fédéral à Sasis SA, société privée qui appartient à Santé Suisse, la faîtière des caisses maladie. Ce n’est pas un crime, mais une super-supercherie. Une de plus.