Plus d’humanité et de solidarité

Suisse • La motion pour une taxe de solidarité unique de 2% sur les avoirs de trois millions de francs, déposée par le député du PST-POP, Denis de la Reussille, a été discutée lors de la dernière session au Conseil national. (Par Siro Torresan, Paru dans Vorwaerts, adapté par la rédaction)

Ueli Maurer n’a rien voulu entendre d’un impôt de solidarité. (Remy Steinegger) swiss-image.ch/Photo Remy Steinegger

«Ma motion a un seul objectif: donner à nos communautés les moyens financiers nécessaires pour faire face aux urgences sociales et économiques. Les coûts de cette pandémie seront extrêmement élevés», a déclaré Denis de la Reussille, conseiller national du Parti suisse du travail (PST-POP), au début de son discours du 22 septembre. Et de rappeler aux représentants du peuple présents sous la coupole du Palais fédéral à Berne: «L’acceptation de ma motion rapporterait environ 18 milliards de francs de recettes à la Confédération.»
C’est en mai 2020 et en pleine première vague Covid que le conseiller national du PST-POP avait déposé sa motion pour un «impôt de solidarité Covid 19» sur les avoirs de plus de trois millions de francs afin d’utiliser les recettes pour soutenir les travailleurs, les familles, les entreprises artisanales et les petites entreprises. L’origine de la motion est une pétition de son parti lancée au printemps 2020 (voir Gauchebdo du 3 avril 2020), demandant un prélèvement unique de 2% sur la fortune des riches, à redistribuer comme une contribution concrète de soutien et non comme un prêt.

Très peu possèdent beaucoup

Retour sur le débat au Conseil national du 22 septembre. A l’occasion de son intervention, Denis De la Reussille a cité un article paru dans un récent numéro du magazine La Vie économique: «La richesse totale en Suisse continue de croître, mais la répartition de la richesse est de plus en plus inégale. Au cours des vingt dernières années, la richesse totale de notre pays a doublé pour atteindre près de 2000 milliards de francs.» L’argent est disponible sur le territoire national. Il faut également rappeler que les 300 personnes les plus riches du pays possèdent 707 des 2000 milliards totaux, soit plus d’un tiers. Et ces 300 personnes ne représentent que 0,0035% des quelque 8,6 millions de personnes vivant en Suisse.

Denis de la Reussille a poursuivi en affirmant que son parti était convaincu que «les citoyens les plus riches peuvent – et doivent – faire un effort de solidarité». Il a ensuite posé la question suivante: «Est-ce trop demander aux plus fortunés de nos concitoyens de faire un effort très modéré pour le bien de tous les habitants de notre pays?», faisant appel à «la générosité et à l’humanité nécessaire pour contribuer à cet effort national». Il a terminé son intervention en disant: «Si vous votez pour cette motion, vous ferez preuve de solidarité et les finances de la Confédération se rétabliront plus rapidement.»

Ueli Maurer, gardien du temple fiscal

L’humanité? La solidarité? Bof. Le Conseil fédéral avait déjà recommandé le rejet de la motion en août 2020. Le ministre des finances Ueli Maurer de l’UDC a ensuite repassé le plat. «Une fois de plus, il faut tenir compte du fait qu’il est toujours difficile d’apporter un changement soudain à un ensemble de taxes qui s’est développé pendant de nombreuses années et «qui est bien équilibré». Parce que «cela bouleverse la structure de l’ensemble», a déclaré M. Maurer. Le ministre des finances a calculé que la taxe s’élèverait à environ 60’000 francs pour une fortune de trois millions. Il a noté que «trois millions de francs de fortune peuvent très bien être investis dans une très large mesure dans un immeuble que l’on occupe personnellement. Mais que l’argent soit ensuite disponible sous forme liquide est une autre question.» Eh bien, Monsieur Maurer, celui qui peut se permettre d’investir trois millions de francs dans un bien immobilier roule très certainement dans une voiture qui a coûté au moins 60’000 francs. Et on peut également supposer qu’il y a quelques millions de plus qui traînent sur des comptes bancaires. Pour aller droit au but: Seules les personnes très riches peuvent investir trois millions de francs dans l’immobilier.

Le ministre des finances a fait mieux. «Je pense qu’avec la redistribution des hautes richesses vers les basses richesses que nous avons déjà maintenant, nous avons fondamentalement épuisé le système.» Une vision quelque peu absurde de la réalité. Car la réalité est que 0,0035% de la population possède un tiers de la richesse totale.

La Constitution protège les riches

M. Maurer a ensuite mentionné un autre point dans son argumentation contre la motion, qui est important pour la gauche, mais souvent oublié: tout impôt prélevé par le gouvernement fédéral nécessite une base constitutionnelle explicite. Et cela fait défaut pour la perception d’un impôt sur la fortune (1). En d’autres termes, la Constitution suisse ne prévoit pas la possibilité de prélever un impôt sur la fortune comme le prévoit la motion! Cela signifie que pour rendre possible un impôt sur le patrimoine, il faut d’abord modifier la Constitution. On peut se demander dans quelle mesure, c’est également le cas avec un prélèvement unique sur la fortune, comme le demande la motion, et cela donnerait du grain à moudre aux avocats. Reste cependant la déclaration politique, expliquée par le Conseil fédéral comme suit: «Le fait de renoncer à introduire de nouvelles taxes en raison de la crise renforce également la confiance des acteurs économiques dans la stabilité du système juridique et donc la sécurité juridique et de planification.» Et Maurer de conclure: «Je ne pense pas qu’il soit judicieux d’introduire dès maintenant un impôt supplémentaire sur la fortune dans ce but unique.»

Sans surprise, la majorité bourgeoise du Conseil national a rejeté la motion, tandis que le camp rouge-vert a voté presque unanimement en sa faveur. Deux représentants du Parti des Verts se sont abstenus. Que reste-t-il de cette proposition de notre camarade? La prise de conscience – une fois de plus – que l’argumentation du Conseil fédéral est un exemple type des intérêts représentés au Conseil national. Il en va de même, en principe, pour la constitution du pays. Ergo: Un changement radical est nécessaire. n

1 Depuis 1959, l’impôt fédéral direct (IFD) n’est plus perçu sur la fortune des personnes physiques, car son cumul avec les impôts cantonaux et communaux frappant également la fortune aurait conduit à une charge fiscale trop élevée selon la Conférence suisse des impôts (CSI)