Big Brother nous dévisage

Suisse • Trois associations viennent de lancer une pétition pour interdire une surveillance généralisée de la citoyenneté.

La reconnaissance faciale à travers des caméras intelligentes nous renvoie directement au roman «1984» de George Orwell. (Rain Rabbit)

La mise en place de caméras couplée à un système de reconnaissance faciale se répand dans le monde. Ce moyen de surveillance biométrique, installé 24 heures sur 24 de manière entièrement automatisée, identifie les personnes au moyen de données propres à chacun.e comme les empreintes digitales, la couleur des yeux, la voix ou le visage. «Il devient possible d’analyser les images en temps réel ou en différé et d’y reconnaître les traits des personnes filmées. Cela équivaut à une surveillance de masse», dénonce Amnesty International Suisse.

Extension de la surveillance

Au niveau international, la situation est éloquente. En Chine, il est prévu d’atteindre l’installation de 500 millions de caméras liées à l’intelligence artificielle d’ici fin 2021. Lors de Jeux Olympiques de Tokyo de cette année, cette technique a été utilisée pour identifier les personnes autorisées à accéder à certaines zones. En Europe, la ville de Moscou, qui dispose d’un réseau de 160’000 caméras, a annoncé le déploiement d’un tel système en janvier 2020 déjà. Londres, avec ses 627’000 caméras pour 9 millions de résidents prévoit la mise en place de la reconnaissance faciale qui va devenir la norme dans la capitale.

S’opposant à cette dérive, trois associations – Amnesty International Suisse, AlgorithmWatch Switzerland et Société Numérique – ont décidé de lancer une pétition pour interdire cette technique dans les lieux publics des villes suisses.
«Les Etats sont toujours plus nombreux à miser sur des technologies de reconnaissance faciale pour surveiller l’espace public, ce qu’ils justifient par l’argument sécuritaire. Les suspect.es doivent pouvoir être rapidement identifié.es et tenu.es à l’œil. On passe sous silence que c’est au prix d’une grave atteinte aux droits fondamentaux de toute une population. Les technologies de reconnaissance faciale sont en outre souvent discriminatoires, car elles reconnaissent moins bien des visages qui ne sont ni blancs, ni masculins», expliquent les associations. Elles dénoncent un manquement au principe de proportionnalité.

«Si les lieux publics sont truffés de systèmes de reconnaissance faciale, il y a violation de la sphère privée, avec le risque que les gens n’osent plus participer à des manifestations ou exprimer ouvertement leur opinion», estime Angela Müller, responsable du domaine Policy & Advocacy chez AlgorithmWatch CH.

Droits fondamentaux menacés par une surveillance générale

Le «triumvirat» dénonce aussi le manque de base légale en Suisse pour empêcher cette surveillance, si ce n’est la loi sur la protection des données. Selon celle-ci, «les données biométriques sont considérées comme des données personnelles particulièrement sensibles, mais leur exploitation n’est pas explicitement interdite», précise-t-il.
Précisons que si Berne prévoit un renforcement des garanties dans la loi sur la protection pour janvier 2022, en s’inspirant du Règlement général sur la protection des données (RGPD) de l’UE, la révision contient encore trop de lacunes.

Outre cette pétition nationale, des interventions parlementaires ont été déposées à Zurich et à Lausanne pour obtenir une interdiction de cette technologie à l’échelon communal.

Pétition à signer sur www.stop-reconnaissancefaciale.ch