Un cataclysme social sans fin

Onu • Le chômage comme visage dramatique d’une pandémie éreintante. Aucune amélioration de l’emploi jusqu’en 2023. (Par Sergio Ferrari, de l’ONU à Genève)

Le Directeur général de l’OIT, Guy Ryder, relève une inquiétante augmentation de la pauvreté et des inégalités .(ILO PHOTOS NEWS)

La pandémie continue de façonner la dynamique mondiale. La nouvelle variante Omicron, virulente et contagieuse – bien que présentant un taux de mortalité plus faible – ne faiblit pas. La crise économique et la montée du chômage sont les aiguilles de l’horloge d’une planète qui n’arrive pas à reprendre son souffle depuis deux ans. Et les perspectives d’avenir ne sont pas bonnes, surtout pour les régions périphériques et les personnes marginalisées dans les pays «riches». L’Organisation internationale du travail (OIT) a revu à la baisse cette semaine ses prévisions de reprise du marché du travail pour l’année en cours.

52 millions d’emplois perdus

Les prévisions indiquent que 52 millions d’emplois (à temps plein) supplémentaires seront perdus d’ici 2022, soit près du double de ce que l’OIT elle-même prévoyait en mai 2021.
Le chômage mondial atteindra 207 millions d’emplois cette année – avec pour référence une semaine de travail de 48 heures. Cela représente une augmentation de 21 millions d’emplois perdus par rapport à la situation pré-pandémique de 2019. C’est ce que dit le World Employment and Social Outlook. Tendances 2022, publié le lundi 17 janvier par l’Organisation internationale du travail à son siège à Genève. (1)

Les prévisions de l’Organisation des Nations unies indiquent que le chômage à l’échelle mondiale restera, au moins jusqu’en 2023, au-dessus des niveaux antérieurs à la crise du coronavirus.

Asymétrie internationale de la crise

L’OIT met en garde contre les différences marquées des effets de la crise entre les groupes de travailleurs et au niveau international. Cela exacerbe les inégalités au sein des nations et entre elles, «affaiblissant le tissu économique, financier et social de presque toutes les nations, quel que soit leur niveau de développement».
Dans le contexte international, si les effets de la crise se font sentir dans tous les pays, les perspectives les plus négatives concernent l’Amérique latine et les Caraïbes, ainsi que l’Asie du Sud-Est. L’Europe et l’Amérique du Nord montrent les signes les plus encourageants de reprise. Au niveau national, la reprise du marché du travail est la plus forte dans les pays à revenu élevé, tandis que les économies à revenu moyen inférieur sont les plus mal loties.

Baisse des revenus

Les pertes d’emploi et la réduction du temps de travail ont entraîné une baisse significative des revenus. Dans les pays en développement, selon l’OIT, les difficultés financières des ménages qui étaient déjà vulnérables avant la pandémie se sont aggravées, avec des «effets en cascade sur la santé et l’éducation».

La crise sanitaire a poussé des millions d’enfants dans la pauvreté, souligne l’agence internationale. Elle estime qu’au moins 30 millions d’adultes supplémentaires sont tombés dans le dénuement (ou l’extrême pauvreté) en 2020, devant vivre avec moins de 1,90 dollar par jour. La hausse des prix des produits de base et des biens essentiels ajoute également au coût de la crise. La hausse de l’inflation est une réalité dans de nombreux pays et, compte tenu de la «nature asymétrique de la reprise», le resserrement des politiques touchera plus durement les ménages à faibles revenus.

Les perspectives d’avenir ne sont pas meilleures: «Il faudra probablement des années pour réparer ces dégâts. Les conséquences à long terme sur la participation au marché du travail, les revenus des ménages et la cohésion sociale, et éventuellement sur la cohésion politique, pourraient durer des années. Ces sombres perspectives d’emploi, en effet, «représentent une détérioration substantielle par rapport aux propres projections de l’OIT en 2021», et démolissent ses estimations les plus optimistes de l’année dernière selon lesquelles le chômage pourrait être réduit d’ici 2022 à partir de la fin de 2019.

Reprise problématique

Au niveau du genre, la crise continuera de frapper l’emploi des femmes en particulier. A plus long terme, la fermeture d’établissements d’enseignement et de formation aura un effet d’entraînement sur les jeunes, en particulier ceux qui n’ont pas accès à l’internet.

Deux ans après le début de la crise, «les perspectives restent fragiles et la voie de la reprise est lente et incertaine», a déclaré le Directeur général de l’OIT, Guy Ryder. «Nous constatons déjà des dommages potentiellement durables sur le marché du travail, ainsi qu’une augmentation inquiétante de la pauvreté et des inégalités».
En ce qui concerne les perspectives d’avenir, l’Organisation internationale du travail souligne qu’«il ne peut y avoir de véritable redressement de cette pandémie sans une reprise générale du marché du travail».

Et elle rappelle que, lors de la Conférence internationale du travail de juin 2021, les 187 Etats membres, après avoir débattu des réponses à la crise, ont convenu d’un Appel mondial à l’action pour la relance en vue d’une relance inclusive, durable et résiliente. Pour y parvenir, quatre piliers essentiels ont été convenus, souligne l’OIT: la croissance économique et le développement inclusifs; la protection de tous les travailleurs; la protection sociale universelle; et le dialogue social. (2 )

1 www.ilo.org/global/research/global-reports/weso/trends2022/lang–fr/index.htm
2 www.youtube.com/watch?v=6qUrFM9_CDM