Le RBI échauffe les esprits à gauche

débat • A quelques semaines de la date fatidique du 5 juin, le débat à gauche bat son plein. Pour ou contre le Revenu de base inconditionnel? Elisabeth Di Zuzio, lectrice, réagit à la prise de position de notre chroniqueur Jean-Marie Meilland en défendant le projet de RBI.

Voir également la chronique de Jean-Marie Meilland: le revenu de base inconditionnel, légalisation de la société à deux vitesses

ou encore Le RBI, dilemme pour la gauche

A la lecture de la chronique de Jean-Marie Meilland, parue dans Gauchebdo du 1er avril 2016, je m’étonne des arguments présentés contre le RBI.

Comment le RBI pourrait-il contribuer à la disparition des emplois? Si nous allons de toute manière vers des grands changements dus aux évolutions technologiques, autant en tenir compte en adoptant un système de protection sociale qui tienne le coup. Le RBI encouragerait-il les réductions d’emplois? Les entreprises n’ont pas pour préoccupation ni pour principale fonction de créer des emplois. Quant aux pouvoirs publics, ils sont presque impuissants dans ce domaine, même quand ils essaient sincèrement de le faire. Le RBI leur ôterait-il l’aiguillon de la «mauvaise conscience»? Comme si cette mauvaise conscience avait une efficacité quelconque! Le RBI peut favoriser la diminution du temps de travail. Il peut encourager puissamment la création de coopératives ou autres entreprises où les travailleurs ont la maîtrise des instruments de production. Vous savez certainement combien il est difficile pour les créateurs d’entreprise de tenir le coup jusqu’au moment où il est possible de payer des salaires; avec un revenu de base, ils pourront se lancer. Le RBI est-il contraire à la solidarité? Il ne vous a pas échappé qu’il faudrait le financer, et donc instituer un système de redistribution nettement plus développé que ce que nous connaissons actuellement. Il y a certainement quelques partisans d’un libéralisme pur et dur qui imaginent que le RBI permettrait de se débarrasser de toutes les conquêtes sociales et de se confier entièrement dans la loi du marché…mais ce ne sont que quelques rêveurs. Regardez plutôt de quelles tendances politiques sont les partisans de l’initiative pour un revenu de base. Dans la campagne de votation, les partis de droite vont s’opposer avec énergie au projet, justement parce qu’il suppose une vision solidaire de la société, un partage des richesses, une diminution des inégalités. La droite va ressortir le langage connu – la charge insupportable pour les entreprises, l’emprise insupportable de l’Etat etc. C’est ce qui est arrivé à la naissance de l’AVS et de chaque avancée sociale.

 «On évite les contrôles et la stigmatisation»

Quant à la création d’une société à deux vitesses, d’une classe d’exclus qui seraient condamnés à se sentir inutiles, privés de la fierté de contribuer à la prospérité générale… Un RBI inconditionnel sera versé à toute la population, aussi aux riches et aux personnes disposant d’un bon salaire. Donc on évite les contrôles, et la stigmatisation, ou du moins la part de stigmatisation liée à la perception d’une prestation sociale. Aucun rentier AVS ne se sent stigmatisé! Il en va autrement de tous ceux que l’on soupçonne constamment d’abuser: les rentiers AI qui sont obligés prouver de mille manières que leur état de santé ne leur permet pas de travailler. Les chômeurs en fin de droit qui doivent subir les procédures humiliantes de l’aide sociale. Les familles monoparentales qui doivent mendier des prestations réservées aux working poor… Les partisans du RBI sont clairs: les prestations sociales actuelles ne devraient être supprimées que dans la mesure où leurs prestations financières sont égales ou inférieures au montant du RBI. Le reste doit subsister, que ce soit des indemnités de chômage basées sur de bons salaires, des mesures de formation pour faciliter le retour sur le marché du travail, la formation professionnelle pour les jeunes handicapés, les moyens auxiliaires etc. Le RBI remplacerait presque entièrement les prestations financières de l’aide sociale, mais certainement pas le travail des assistants sociaux ou des éducateurs qui apportent aide et conseil aux personnes en difficulté.

«Actuellement, cela ressemble à du bricolage»

Actuellement, que d’efforts sont déployés pour résister au démantèlement des prestations sociales fédérales, et les adapter à la situation actuelle (prévoyance vieillesse par exemple). Que de combats sont entrepris pour obtenir des améliorations sur le plan cantonal. Les Tessinois ont réussi quelque chose pour les familles, les Vaudois pour les jeunes sans emploi, les Genevois pour les chômeurs, un peu partout on bataille pour les bourses d’étude, pour l’amélioration de l’aide sociale, etc. etc. Avec un peu de recul, cela ressemble beaucoup à du bricolage…le projet de RBI propose de consacrer des forces à l’élaboration d’un nouveau système, plus cohérent, plus simple, plus efficace. Evidemment, dans l’immédiat, il faudra continuer les luttes en cours, mais avec une perspective à moyen et long terme. Le seul risque avec le RBI, c’est qu’on ne parvienne pas à le mettre en œuvre d’une manière satisfaisante. L’inscription du principe dans la Constitution n’est qu’un début. Il faudra beaucoup de créativité, de compétences, de courage politique pour la mise en œuvre. Si on n’a pas un minimum de confiance en l’avenir, en nos capacités et en celles des jeunes générations, mieux vaut en effet rester dans des modèles connus et continuer à bricoler…