economiesuisse montre les dents

Il faut le dire • La bataille des partisans de l'initiative pour des multinationales responsables s'annonce intense.

Dans la foulée des «Paradise Papers», on avait assisté à un sursaut de bon sens parmi les politiques suisses. «Si l’économie ne parvient pas à se tenir à ses propres règles, il faudra des règles étatiques», avait lancé Simonetta Sommaruga. Un brin hypocrite, alors que le Conseil fédéral venait justement de plomber les espoirs de réglementation en ne présentant aucun contre-projet à l’initiative pour des multinationales responsables. La commission des affaires juridiques du Conseil des Etats avait cependant repris le flambeau, annonçant, elle, vouloir élaborer un contre-projet.

Pour rappel, ladite initiative, soutenue par plus de 80 organisations de la société civile, demande des règles contraignantes pour que les entreprises multinationales basées en Suisse respectent les droits humains et l’environnement, notamment via l’introduction dans la loi d’un devoir de diligence. Celui-ci les obligerait à vérifier si leurs activités à l’étranger conduisent à des violations et à y remédier, faute de quoi elles devraient répondre de leurs manquements devant les tribunaux suisses.

Suite à l’annonce de la commission des Etats, «une alliance remarquable s’était constituée», communiquent les initiants: «L’une des plus grandes associations de l’économie suisse, le GEM, qui regroupe 92 multinationales, ainsi que des entreprises notables telles que Migros ou Ikea se sont prononcées en faveur d’un contre-projet. Les initiants étaient par ailleurs prêts au compromis et envisageaient même le retrait de l’initiative dans le cadre d’une discussion constructive et d’un processus législatif solide», poursuivent-ils.

L’avancée aura été de courte durée. Ainsi, cette semaine, la commission du national a rejeté la proposition de sa consœur. Le résultat d’un «lobbying offensif» mené par economiesuisse, selon différents observateurs, dont les initiants, qui dénoncent une «opportunité manquée». Selon Le Temps, l’UDC Magdalena Martullo-Blocher, membre du comité directeur d’economiesuisse, aurait même remplacé pour l’occasion un de ses collègues au sein de la commission du national, où elle ne siège en principe pas.

Les initiants se veulent malgré tout optimistes, soulignant «un soutien croissant de la part des citoyens et du monde des affaires» à leur initiative. L’épisode démontre toutefois la détermination de certains milieux économiques à s’opposer à toute forme de réglementation, même modérée, de leurs activités. Pour eux, c’est la sacro-sainte «autorégulation», dont les limites ont pourtant maintes fois été constatées, qui doit primer. La bataille des partisans de l’initiative, qui devrait être soumise au vote l’an prochain, s’annonce intense. D’autant plus que les «Paradise Papers» seront alors bien lointains.